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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mai 1847

16 mai [1847], dimanche matin, 4 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour comment vas-tu ? À quelle heure es-tu rentré hier ou plutôt cette nuit ? Qu’as-tu fait ? Quelle place ai-je eue dans ta pensée depuis le moment où tu m’as quittée ? Pour moi toutes ces questions se résoudraient si tu me les faisais en un seul mot : je t’aime, répété à chaque question.
Je suis rentrée hier à minuit moins un quart. Mme Guérard et son bonhomme m’ont ramenée chez moi en voiture, à mon grand regret car j’aurais mieux aimé marcher et respirer l’air frais et doux de cette nuit. La représentation a très bien marché, quoique jouée très froidement par tout le monde. Il y avait salle pleine, très pleine, sinon comble. Ton fils Charlot était avec deux femmes dans une loge parallèlea à la nôtre. Il n’en est pas sorti même dans les entractes. Du reste les femmes étaient modérément jolies, une même pouvait passer pour très laide. Mais j’oublie que cela ne me regarde pas et que cela m’est parfaitement égal. Et à ce sujet je vous dirai que j’ai pensé plus d’une fois à votre air plus qu’inquiet lorsque je vous ai dit hier que je vous tuerais à la première infidélité que je découvrirais. Cette émotion mal déguisée par des plaisanteries faites du bout des lèvres pourrait passer pour une preuve mais je suis bonne et je veux bien en attendre encore une autre avant de vous faire passer le goût des [fin illisible à la pliure]

Juliette

MVH, α 7903
Transcription de Nicole Savy

a) « parrallèle ».


16 mai [1847], dimanche après-midi, 1 h. ½

Si tu ne te dépêches pas de venir je ne te verrai presque pas encore aujourd’hui et tu sais bien que demain tu donnes ta soirée à Mme de Girardin. Tu ne t’aperçois pas sans doute que tous les jours ce sont de nouveaux prétextes qui t’éloignent de moi et bientôt je ne te verrai plus du tout. Ou si tu t’en aperçois tu n’en souffres pas, au contraire puisque tu ne fais rien pour y résister et pour te soustraire à toutes les choses qui te sollicitent et qui s’emparent de ta personne et de ton temps. Quant à moi, j’en suis tellement lasse que je suis toute prête à jeter le manche après la cognée. Et pour peu que tu y consentes, sans fausse pitié et sans absurde générosité, je suis toute prête à céder la place aux gens et aux choses qui te plaisent et qui t’occupent. Ce que je trouve d’odieux et de honteux, c’est d’être pour toi une femme indifférente et même insupportable après avoir été ton amour et ta joie. Pour me soustraire à ce rôle ridicule et dégradant il n’est rien que je ne sois prête à faire. Ainsi tu n’as qu’à parler. Et même sans parler, si tu continues à t’éloigner de moi comme tu le fais, il faudra bien, quelque tenace que soit mon pauvre cœur, qu’il se rende à la triste évidence que tu ne m’aimes plus. Mon Victor, mon Victor, je t’adore.

Juliette

MVH, α 7904
Transcription de Nicole Savy

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