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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mars 1847

21 mars [1847], dimanche matin, 9 h.

Bonjour, Toto, bonjour, mon cher petit Toto, bonjour le plus enrhumé des hommes. Bonjour qu’on vous dit et vous ? Comment va votre borne-fontaine, je voulais dire votre nez ? Comment va ta gorge mon pauvre adoré ? Comment va ta tête ? J’espère que tu dors encore et que tu as bien chaud. C’est ce qu’il y a de meilleur pour ce genre de rhume : le repos et la chaleur. Si tu peux venir de bonne heure je te dorloteraia bien et je te baiserai bien. Pense que je ne te verrai pas de la soirée et peut-être pas même dans celle de demain. Cependant il est impossible qu’un dîner te retienne aussi tard qu’une soirée proprement dite et je ne vois pas pourquoi tu ne viendrais pas un peu si tu m’aimes et si tu as pitié de moi ? Je te le demanderai tantôt avec tant d’instances et de tendresse qu’il faudra bien que tu me l’accordes si tu n’es pas en granit primitif. Et puis j’irai te chercher à la Chambre demain. Je ne suis pas si bête que de manquer cette bonne occasion maintenant que je suis avertie. D’ailleurs ce sera le seul moment que tu pourras me donner dans la journée, c’est bien le moins que j’en profite. Demain je serai sous les armes.
Je serais bien contente si tu venais de bonne heure tantôt. Je vais faire tous mes préparatifs dans cette douce espérance. À midi je serai prête de fond en comble. D’ici là, je n’ai pas une minute à perdre, sans compter que je vous aime à bride abattue et sans la moindre distraction. Baisez-moi, cher adoré, et aimez-moi tout en soignant votre rhume mon pauvre endolori.

Juliette

MVH, α 7863
Transcription de Nicole Savy

a) « dorlotterai ».


21 mars [1847], dimanche midi

Je t’ai prévenu ce matin que j’allais me dépêcher de faire mes affaires pour être tout au bonheur que tu me donneras quand tu pourras venir. Je me suis tenua parole et me voici toute prête. Si tu étais bien inspiré tu viendrais tout de suite et tu resterais jusqu’à ce soir sans désemparer au risque de t’embêter (style de Lola Montès [1]) beaucoup. Tu me devrais bien cela si tu étais de bonne foi car je t’ai à peine vu toute la semaine et demain je ne te verrai guère plus, en supposant que tu me laisses aller te chercher à la Chambre, ce qui n’est rien moins que sûr.
Cher adoré, quelle vieille bougon je fais et comme tu as raison de me fuir. Si la franchise n’était pas de mauvais goût ici, avoue que tu en conviendrais. Eh ! bien tu aurais tort car jamais amour plus tendre, plus doux, plus aimable, plus rayonnant et plus pur n’a rempli le cœur et la vie d’une pauvre femme comme celui qui remplit le mien. Je t’aime, je te vois beau, je te vois jeune, je te vois grand, noble, généreux, sublime et divin et je t’adore. Si je pouvais ne te quitter jamais ma vie ne serait que joie ineffable et bonheur. Je serais toujours bonne car je serais toujours heureuse. Tandis que je ne peux que t’aimer et te désirer de toute mon âme.

Juliette

MVH, α 7864
Transcription de Nicole Savy

a) « tenue ».

Notes

[1La célèbre danseuse et courtisane était alors la maîtresse de Louis II de Bavière.

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