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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 janvier [1843], samedi matin midi

C’est donc aujourd’hui que vous me faites sortir mon bien-aimé ? Entre nous le jour n’est guère bien choisi mais comme je ne veux pas vous refuser je ferai ce que vous voudrez. Pauvre ange bien-aimé, comment vas-tu ? Moi j’ai passé une nuit mauvaise, j’ai peu dormi à cause des douleurs d’estomac et de tête. Ce matin je suis toute malingre. Cependant il faut que je me dépêche dans le cas où tu viendrais me prendre. Je ne comprends pas comment tu pourras en trouver le moment par exemple, mais cela ne me regarde pas ; tu connais les allures des gens à qui tu as affaire mieux que moi et tu sais sur quoi tu peux compter.
Je t’aime mon Toto chéri, je t’aime mon Toto bien-aimé, je t’aime. Tu es beau, tu es bon, je t’adore.
Je vais faire tout mon possible pour n’avoir pas besoin d’argent d’ici à jeudi. Claire vient ce soir, je lui ferai faire le travail en question sur les lettres et sur mes papiers, si elle en a le temps toutefois. Ce sera un genre de divertissement assez médiocre, heureusement qu’elle n’est pas habituée à plus de [fourirement  ?] que cela. Cependant pour l’encourager je lui promettrai les Burgraves si elle travaille bien et si elle est bonne fille d’ici à la représentation. Ce qui ne sera pas une petite besogne au train où tous ces gens-là y vont. Le fauteuil de Pénélope n’était rien en comparaison des Burgraves. Enfin avec de la patience, autre maxime [1] qui n’est pas neuve, on vient à bout de tout. Nous verrons ça je l’espère.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 85-86
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


28 janvier [1843], samedi soir, 6 h. ¾

Merci mon Toto, merci de ta bonne petite promenade. Je suis sûre qu’elle me fera du bien quoique pour le moment je sois très blaireuse. C’est si bon et si doux de marcher avec toi que je ne m’en lasserais jamais et si tu avais voulu, je serais revenue à pied. Voime, voime mais j’aurais pilé énormément de poivre [2].
Voici ma pauvre péronnelle arrivée et toute rayonnante parce qu’on est content d’elle. Tant mieux mon Dieu et je devrai ce changement si heureux à toi mon pauvre adoré. Tout ce qui m’arrive d’heureux c’est à toi que je le dois. Je n’existe que depuis toi. Ô sois béni mon cher bien-aimé. Sois heureux aussi de tout le bonheur que tu me donnes.
Si tes pauvres pieds te font trop de mal, il faudra venir changer tes bottes, ce sera une occasion de te voir plus tôt.
Je viens d’envoyer chercher les huîtres mais je n’ai pas voulu avancer les six sous pour vous. Je ne veux pas comme ça m’embarquer des fournitures exagérées avec vous parce que je n’ai pas de confiance dans vos principes de probité et d’honneur.
Tiens, tiens, voici un incident : il n’y a pas d’huîtres du moins d’huîtres ouvertes. Ce qui fait que, vu l’adresse de Suzanne et la disette de couteaux, je renonce à cette partie de notre dîner. Nous nous en tiendrons au simple bouillon et nous économiserons vingt-quatre sous, ça n’est déjà pas si bête. Jour Toto, je suis très contente de l’incident et je vous aime encore plus fort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 87-88
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Jeu de mots avec le nom de Mlle Maxime.

[2Piler du poivre : piétiner.

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