9 avril 1880

Paris, 9 avril 1880, vendredi matin, 8 h.

Cher bien-aimé, je t’ai laissé tout à l’heure ne dormant pas, contrairement à ton habitude à cette heure-là. Est-ce que ta nuit n’a pas été aussi bonne^a que les précédentes ? J’en serais vraiment bien fâchée à cause du bien que cela te faisait et aussi, égoïstement, à cause de la joie de notre déjeuner quand tu te lèves assez tôt pour nous la donner. J’espère encore que tu auras le temps de rattraper^b le déficit de ton sommeil d’ici à midi. En attendant, il faut que je prenne mon courage à deux mains pour te parler de la dépense de ces deux jours, rien qu’à la cuisine, tu pourras t’en assurer sur le livre de dépense de Rosalie où rien de ce qui nous est personnel^c à toi et à moi et à l’entretien de la maison, n’est mêlé. Il résulte que depuis ces deux jours derniers, elle a dépensé mercredi, avant-hier, 105 F. 05 c. et hier jeudi …^d139 F. 95, c’est-à-dire …^d 244 F., c’est-à-dire quarante-quatre francs de plus que je n’ai reçu, à ces [dépenses] s’ajoutent …^d 44 F., notre voiture d’hier …^d 7 F. 50, bougie …..^d 18 F. 30 c. et briquette pour les chaufferettes^e 4 F. 90 c. 64 F. 70 c.
Tout cela, mon grand petit homme, n’est pas amusant à constater et encore moins à te dire, mais il le faut pour ton propre enseignement. Ce matin nous déjeunerons avec Madame Gouzien et sa petite fille. Et dînerons ce soir avec le clan de tes jeunes amis [1]. En tout, quatorze personnes. Et par surcroît, je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 99
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « bonnes ».
b) « rattraper ».
c) « personnels ».
d) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
e) « chauffrettes ».