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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juin 1847

26 juin [1847], samedi matin, 8 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit pair de France, bonjour.
Tu vois le temps qu’il fait, un vrai déluge. Cependant je me tiendrai prête pour onze heures dans le cas où tu voudrais bien venir me chercher, quelque temps qu’il fasse. Il faut bien que je saisisse toutes les occasions qui se présentent d’être avec toi un petit moment puisque tu as tant de peinea à me voir quelques minutes par jour. Je voudrais que toutes les affaires politiques et AUTRES soient au diable et que tu me restesb tout entier et sans partage, tu verrais si je me plaindrais et comment je supporterais ce FARDEAU. Si j’avais seulement un petit bout de baguette magique, je m’en donnerais le plaisir tout de suite, quitte à te faire rager comme un chien.
Je vous défends de livrer votre cou à Richi. Je n’ai pas besoin que d’autresc que moi fassentd ma besogne. Si vous devez avoir quelque chose de coupé, je veux que ce ne soit que par moi et si vous étiez raisonnable, vous n’iriez plus vous faire raser dans la boutique de ce fou. Très sérieusement, mon Victor, il y a du danger et pour toi plus que personne puisque la manie prédominante de ce stupide est l’envie et la jalousiee de tout ce qui est au-dessus de lui. Si tu étais prudent tu ne t’exposerais pas bénévolement et tu confierais ton cher petit cou à un autre, tout aussi cocu peut-être mais moins exalté. Si j’avais la moindre influence sur toi je l’emploierais à te tirer de cette dangereuse maison, malheureusement je n’ai que le droit de t’aimer et j’en use généreusement.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/39
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « peines ».
b) « reste ».
c) « autre ».
d) « fasse ».
e) « joulousie ». Juliette fait peut-être ici un jeu de mots à partir de « joue » puisque l’homme est coiffeur/barbier.


26 juin [1847], samedi soir, 9 h. ¾

Tu m’as promis de revenir, mon bien-aimé, et j’y compte. J’y compte d’autant plus que je t’ai à peine vu aujourd’hui, quoique je me sois bien essoufflée pour courir avec toi et après toi. Et puis vous me devez bien quelques pauvres petites minutes de rabiboche le soir, ou vous allez vous faire cajoler par la charmante princesse Mathilde [1] chez la plus complaisante des vieilles femmes. C’est bien le moins que vous me donniez le reste de la pâte de votre soirée. Tu viendras n’est-ce pas, mon adoré petit Toto ? Tu ne voudras pas me faire passer une mauvaise nuit ? Parce que tu es bon, parce que tu sais que je t’aime plus que ma vie, parce que tu es mon Toto désiré et adoré, que j’attends et que je baise de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/40
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

Notes

[1Mathilde Létizia Wilhelmine Bonaparte (27 mai 1820-2 janvier 1904), plus connue comme la princesse Mathilde, est la fille de Jérôme Bonaparte. Le 12 juin 1847, Hugo a fait inscrire à l’ordre du jour de la Chambre des pairs la discussion sur la pétition du roi Jérôme Bonaparte demandant l’abrogation de la loi d’exil, puis a fait le 14 un discours : La famille Bonaparte (Actes et Paroles, 1). La princesse Mathilde l’en a remercié par lettre et l’a invité à dîner le 18 juin.

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