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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 novembre [1849], vendredi matin, 11 h.

Je ne vois pas les provisions de Brest venir, mon cher petit goinfrea, malgré l’assurance formelle que m’avait faite mon beau-frère de me les envoyer cette semaine. Je commence à craindre sérieusement que le choléra [1] ne soit pour quelque chose dans ce retard et cela me tourmente. Ces pauvres gens ne sont guère plus chanceux que moi, ce qui ne me rassure pas, tant s’en faut. Aussitôt demain passé, je leur écrirai au risque de leur donner le change et de leur faire croire que ce sont les provisions qui m’inquiètent et me tiennent au cœur. Dieu sait que je ne les accepte que pour avoir le prétexte de t’attirer chez moi et de te retenir le temps de les manger. Quant à moi personnellement j’y tiens moins qu’à l’argent que je donne pour le port et la douane. Je te dirai encore que les bons dîners hors de chez moi et sans toi ne me font aucun plaisir et que j’aime mieux mon pot au feu tout CHESSE avec l’espoir de te voir pour dessert que les perdreaux truffés de ma marquise [2]. Chacun son goût. Le mien est absurde mais il va à mon individu. Aussi, malgré la cordiale insistance de cette bonne marquise j’irai le moins possible chez elle à cause de son entourage qui me forcerait à des dépenses de toilette que je ne peux pas me permettre et qui t’autoriserait peut-être encore à me voir moins qu’avant, ce qui réduirait nos rapports mutuels à zéro. J’aime mieux t’attendre seule dans mon coin comme une pauvre ourse délaissée et te donner tous les tors de l’oubli et de l’abandon. C’est une idée que j’ai comme cela avec celle de vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 317-318
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « goinffre ».

Notes

[1Le pays a connu entre les mois de mars et septembre 1849 une épidémie de choléra grandement meurtrière, qui fit plus de seize mille morts.

[2Mme de Montferrier.

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