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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 avril [1844], mardi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher bien-aimé. Comment vas-tu ce matin ? T’es-tu un peu reposé cette nuit ? Tu paraissais bien fatigué quand je t’ai vu, mon cher petit homme. Cependant, tu as l’habitude de marcher, toi, il est vrai que les distances dans Versailles sont énormes. Tu iras sans doute à Saint-Denis aujourd’hui ? Je t’envie, ou plutôt, j’envie le bonheur d’être avec toi. Il fait un temps délicieux, il y a bien longtemps qu’il n’a fait un si beau printemps que cette année. Hélas ! j’en profite peu ; et n’était la sortie d’hier, laquelle ne compte pas, je ne serais pas sortie une seule fois depuis qu’il est commencé. Tu sais bien que c’est vrai, mon Toto, tu sais aussi que tu m’as promis une petite culotte et je ne la vois pas venir ; cependant, j’en ai bien besoin, je t’assure. Je vois avec une tristesse inexprimable la longueur de cette journée pendant laquelle je ne te verrai pas du tout. Encore si j’étais sûre que tu penses à moi, que tu me regrettes, que tu me désires et que tu m’aimes, je n’en souffrirais pas moins, mais cela me donnerait le courage et la patience de souffrir mais … les omnibus et les vicomtes, plus ou moins Delaunay [1], ne sont rien moins que rassurants. Aussi, mon Toto, je suis bien malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 69-70
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


23 avril [1844], mardia soir, 5 h. ³∕₄

Je viens d’avoir la visite de Mme Triger, mon cher petit bien-aimé, mais quoique ce soit une excellente femme, j’aurais donné dix millions de milliards de fois sa visite pour un baiser de toi. Je ne suis pas si bête, comme tu vois, mon cher amour. Du reste, ce n’est pas elle qui a envoyé les deux pots de fleurs. Je le savais de reste. Ce sera, à coup sûr, cette absurde Mme Guérard qui aura pris un mois pour un autre [2]. Je n’en ai plus entendu parler depuis.
Je voudrais bien, mon cher petit homme, que tu puissesb venir me voir tout à l’heure. C’est bien triste, va, de ne pas te voir. Si tu m’aimais comme je t’aime, tu le sentirais et tu viendrais tout de suite. Tu as été probablement à Saint-Denis et tu auras fait tes choux gras parmi les dix-huit ans et moi……….. ?c Moi j’ai envie de me jeter à l’eau pour savoir si le régime des poissons rouges me conviendras mieux que celui de vieille femme. En attendant que j’essaye, je bisque, je rage et je suis furieuse comme un chien contre vous, scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 71-73
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « lundi ».
b) « tu puisse ».
c) 11 points de suspension suivis d’un point d’interrogation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1« Vicomte Delaunay » est un pseudonyme de Delphine de Girardin.

[2La veille, Juliette a renvoyé des fleurs qui lui étaient livrées, ignorant qui les lui envoyait. Elle suppose que Mme Guérard a anticipé d’un mois la Sainte Julie.

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