Guernesey, 21 août [18]72, mercredi, 6 h. ½ du m.
Cher adoré, je t’envoie mon bonjour le moins grimaud et le plus tendre aussi car je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’ai passé une moins mauvaise nuit que la précédente mais je suis encore bien endolorie et bien patraque ce matin. J’espère que la journée achèvera de dissiper cette maussade crise qui me fait doublement souffrir à cause de la part que tu y prends. Je m’en veux de ne pas savoir mieux dissimuler les accès de rage de ma vieille bête de goutte dont tu as la bonté de t’occuper beaucoup trop. Le mieux serait de n’y pas faire attention et d’en prendre son parti comme je le fais dans ce moment-ci. Je ne sais pas comment sera le temps tantôt mais tu sais que tu as retenu la voiture pour 4 heures, sous-entendu qu’il fera beau. À ce propos je me demande comment tu te tireras et de la voiture et du reste quand Mme d’Alton sera ici ? Mais je ne veux pas anticiper sur les embêtements et les complications de son séjour ici. Ce sera bien assez de s’y résigner au jour le jour s’il y a lieu. En attendant je te souris et à Petit George et à Petite Jeanne aussi et je vous adore tous.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 232
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette