Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Avril > 28

28 avril [1842], jeudi 10 h. du matin

Bonjour mon cher petit bien aimé. Bonjour mon cher amour, je t’aime. De toute mon âme. Comment vas-tu et comment va notre cher petit Toto [1] ? Bien je l’espère, moi, j’ai passé une mauvaise nuit réveillée de quart d’heure en quart d’heure par ces atroces douleurs [2]. J’ai fait faire un cataplasme ce matin de très bonne heure et je l’ai gardé jusqu’à présent mais cela ne m’a guère soulagée. Ça serait bien stupide à moi de recommencer l’affreuse maladie d’il y a deux mois [3]. Aussi je vais faire tout mon possible pour l’éviter. Je connais un PHAME remède à tous les maux mais vous ne voudrez pas l’employer : c’est un petit voyage de deux mois. Je ne sais pas pourquoi j’ai une peur horrible que cette année se passe comme l’autre, c’est ce qui contribue, je crois, à me rendre malade [4]. Je te vois si peu, mon adoré, que si ces deux mois de bonheur me manquent tout me manque et que le découragement et la tristesse s’emparent de moi au point de m’ôter toute énergie et toute santé. Ce n’est pas de l’exagération, c’est la vérité, mon pauvre bien aimé, et si tu m’aimes tu dois le comprendre. Mon Toto chéri, mon Toto adoré, tâche de nous préparer notre petit voyage pour la fin du mois de mai, je t’en prie, je t’en prie, je ne serai plus malade, jamais, jamais. Tâche aussi de venir bien vite ce matin et ne vab pas à l’Académie aujourd’hui. Tu sais tu me l’as promis et je compte sur ta promesse, mon adoré, comme si c’était le bon Dieu qui me l’avait faite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 325-326
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « l’employé ».
b) « vas ».


28 avril [1842], jeudi après-midi, 2 h. ½

Tu n’es pas à l’Académie, n’est-ce pas mon amour ? Je le crois, je t’aime et je te désire. Je voudrais savoir comment notre Toto a passé la nuit [5], je voudrais te baiser mon amour, je voudrais te caresser des yeux, des lèvres et de l’âme.
Je souffre toujours, c’est bien absurde car enfin je n’ai aucune raison pour cela [6].
Est-ce que tu as pris mon savon cette nuit ? Il a disparu sans que personne ait pu m’en donner des nouvelles. Il est probable si tu ne l’as pas emporté qu’on l’aura jeté avec l’eau de la cuvette. Dans tous les cas tu en as un peua pour ce soir. Baise-moi et viens bien vite, cela me guérira tout de suite, bien sûr, bien vrai. Si tu peux me faire sortir ce soir, peut-être cela me fera du bien. Je trouve toutes sortes de bonnes raisons pour être toujours avec toi. C’est bien dommage que tu ne les approuves pas. Plus je te désire et moins tu viens, mon cher amour, tu ne le fais pas exprès sans doute mais tu ne fais pas exprès non plus que ce soit autrement. Je crois que dans mon mal il entre beaucoup de tristesse et d’impatience. Te désirer toujours, t’aimer de tout mon cœur comme je le fais et te voir si peu et si peu souvent, il y a de quoi être malade et malheureuse ; aussi je m’en acquitte assez bien depuis quelque temps. Baise-moi, mon cher petit homme. Plains-moi et aime-moi. Je t’écris de bonne heure dans le cas où ma douleur augmenterait ce soir, ce qui n’est pas impossible car je souffre beaucoup en ce moment. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16348, f. 327-328
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « peut ».

Notes

[1François-Victor Hugo. D’une santé très fragile quand il était enfant, il tombera très souvent malade. Depuis le début du mois de février il souffre d’une grave maladie pulmonaire qui connait beaucoup d’améliorations et de rechutes dont la convalescence n’interviendra qu’à l’automne.

[2Depuis plusieurs jours, et même plusieurs semaines, Juliette se plaint de violentes migraines, de maux d’estomac, de coliques.

[3Juliette a été souffrante au mois de février et a été convalescente tout le mois de mars.

[4Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. L’année précédente, le poète était trop occupé à la rédaction de son ouvrage Le Rhin et leur voyage annuel n’a pas eu lieu. Ses craintes vont s’avérer vraies : le voyage de cette année sera également annulé.

[5François-Victor Hugo. D’une santé très fragile quand il était enfant, il tombera très souvent malade. Depuis le début du mois de février il souffre d’une grave maladie pulmonaire qui connait beaucoup d’améliorations et de rechutes dont la convalescence n’interviendra qu’à l’automne.

[6Depuis plusieurs jours, et même plusieurs semaines, Juliette se plaint de violentes migraines, de maux d’estomac, de coliques. Elle craint de retomber malade comme cela a été le cas au mois de février dernier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne