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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 novembre [1835], dimanche matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon adoré petit homme, tu n’es pas venu quoique tu me l’eusses bien promis. Eh bien, je ne t’en veux pas, je t’aime. J’ai bien pensé à toi chaque fois que je me suis réveillée et je me suis réveillée deux fois. Je les ai comptées pour ne pas me tromper. Et puis j’ai rêvé de toi. Ainsi tu vois qu’en pensée, je ne me suis pas séparée de toi.
Quand tu devrais me battre, il faut que je t’avoue que j’ai la lèvre encore plus monstrueuse qu’hier et les yeux encore plus battus. Et pourtant je n’ai pas pleuré cette nuit, pas plus que je n’avais pleuré la nuit précédente.
J’espère que tu me feras une scène affreuse à ce sujet-là et que j’aurai le bon esprit d’en rire, han, han. Vous êtes un peu collé.
Comme je suis un peu souffrante, je resterai dans mon lit un peu tard. Je ne dis pas cela pour que vous en profitiez. Je sais trop bien que cela vous est égal. Je le dis pour le dire, voilà tout.
Il fait bien beau temps, mon cher petit Toto. Si tu viens me chercher pour sortir, j’en profiterai avec plaisir. Si tu ne viens pas, je t’attendrai sans impatience et je t’aimerai de toute mon âme.
Fais tous tes efforts pour que je te voie le plus tôt possible, puisque te voir c’est le bonheur. Et puis aime-moi car je t’aime, moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 162-163
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


29 novembre [1835], dimanche soir, 8 h. ½

Vous êtes, mon cher petit homme adoré, un peu taquin, un peu chatouilleur, mais bien aimé et bien charmant.
Je vous aime, mon Toto, je vous aime chaque jour davantage quoique cela me paraisse impossible à moi-même, cela est. Je vous aime de tous les amours à la fois.
Je ne pourrais pas vivre, je ne dis pas heureuse, mais vivre seulement, sans vous. J’ai besoin de vous comme vous êtes, avec vos espiègleries, avec vos malices et vos méchancetés.
Je voudrais bien que vous vous piquassiez d’honneur ce soir et que vous vinssiez me chercher pour aller au spectacle, comme vous dites, parce qu’alors je profiterais de votre aimable plaisanterie pour vous avoir une heure ou deux plus tôt dans mes bras, ce qui ne ferait pas de tort à ma gaieté, je vous assure.
Je suis encore toute émerveillée de la beauté de Notre-Dame de Paris sur le ciel noir [1]. Il est bien reconnu maintenant que le noir sied à toutes les beautés, femmes ou cathédrales. C’est une couleur qui va également bien à l’une comme à l’autre. Aussi vous a-t-elle séduite et lui avez-vous donné la préférence sur tout le monde sans excepter moi qui vous aime cependant plus qu’elle et qui donnerait ma vie cent fois par minute pour un de vos sourires.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 164-165
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1L’édition keepsake illustrée de Notre-Dame-de-Paris sort en 1836 chez Renduel.

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