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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Vendredi matin [16 octobre 1835 ? [1]], 9 h. ¼

Bonjour, mon adoré, bonjour, mon Victor bien aimé. Je t’ai attendu ce matin pensant que peut-être tu viendrais me voir. Tu n’es pas venu, et je suis triste sans mauvaise humeur car je ne prévois que trop les raisons qui t’ont empêchéa de venir.
Le temps est bien beau ce matin et nous promet une belle journée. Si nous étions encore à la campagne, nous l’emploierionsb bien. Mais depuis que nous sommes à Paris, il est à remarquer qu’il a presque toujours fait beau, de même que lorsque nous étions à la campagne [2] il a constamment fait vilain, toujours par suite de notre bonne chance.
Quoique je ne t’aie pas reparléc de notre voyage projetéd depuis que nous sommes de retour, je n’en ai pas moins eu beaucoup de chagrin et de désappointement en voyant qu’il ne pouvait pas se faire. Je me suis résignée à cette nouvelle privation sans rien manifestere au dehors parce que je sais bien que tu partages tout mon chagrin devant la nécessité de renoncer au bonheur d’être tout à fait ensemble plusieurs jours. Aussi je te le répète, mon Toto bien aimé, ce n’est pas de la mauvaise humeur que j’exprime mais une grande tristesse.
Pauvre ami, tu travailles dans ce moment-ci et tu ne prévois pas quand tu pourras venir embrasser ta pauvre petite femme qui t’aime de toute son âme et qui est bien malheureuse de ton absence.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 7-8
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « t’ont empêchées ».
b) « emploirions ».
c) « reparler ».
d) « projetté ».
e) « manifesté ».


Vendredi soir, 9 h., 16 octobre 1835

Mon cher petit homme, j’ai été trois fois méchante aujourd’hui, et je t’en demande mille fois pardon à genoux. Je t’aime mon Victor. Je t’aime de toute mon âme et un des grands sujetsa d’irritation pour moi, c’est quand tu parais douter de mon amour. Mon Victor chéri, je t’aime, c’est bien vrai. Si je suis quelquefoisb triste et morose, cela tient presque toujours à ce que je ne t’ai pas vu aux heures où j’avais l’espoir de te voir. Je ne suis pas maîtresse du plus ou du moins de désordre que mon désappointement fait dans mes nerfs. Je voudrais que toi tu n’y apportes pas autant d’importance parce qu’alors cela se passerait bien plus vite et nous ne nous tourmenterions pas l’un par l’autre. Voilà, mon cher petit Toto, ce que je voudrais parce que je suis bien sûre que si tu n’insistais pas sur ces tristesses organiques qui me dominent, nous n’aurions que peu ou point de chagrin.
Je t’entends. Ta présence vaut mieux que tous mes gribouillages.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 9-10
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « sujet ».
b) « quelques fois ».

Notes

[1En l’absence d’indication sur le quantième et le mois, la succession des lettres dans le classement de la BnF, les jours de la semaine et heures qui se suivent chronologiquement et le contenu des lettres nous invitent à proposer cette datation.

[2Juliette fait référence à leur séjour aux Metz, du 9 septembre au 13 octobre 1835 pour Juliette et du 10 septembre au 12 octobre pour la famille Hugo. Les amants ne logeaient pas au même endroit ; Juliette occupait une petite maison louée aux Metz et Victor Hugo était l’invité des Bertin, aux Roches, à quatre kilomètres de Juliette.

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