Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1868 > Juillet > 31

Bruxelles, 31 juillet [18]68, vendredi matin, 7 h.a

Cher adoré, j’ai le cœur plus grand que l’esprit, c’est pourquoi je prends la plus grande feuille possibleb pour te dire ce seul mot : JE T’AIME. Voilà cinq jours que je l’accumule en moi-même sans pouvoir le gribouiller quelque part mais je prétends m’en régaler ce matin depuis la première ligne jusqu’à la dernière : je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je suis encore toute émue de ton adorable sollicitude pour moi pendant ces trois jours de voyage. Que tu es bon, que tu es grand, que tu es doux ; mon cœur se fond d’admiration et d’adoration en y pensant. Je te prie de dire à tes chers enfants combien leur charmante invitation m’a touchée en arrivant mercredi soir. Je les remercie de me permettre de t’aimer et de les aimer comme je t’aime et comme je les aime. J’espère que d’ici à un jour ou deux toute ta chère famille sera au complet et aura réintégré ta maison dans la personne de ta noble et sainte femme et du doux et ravissant petit Georges [1]. Ce n’est plus que quelques heures de courage et de patience à avoir et je vais les passer à prier pour vous tous.
J’aime à croire que tu as passé une aussi bonne nuit que la mienne et que tu te portes aussi bien que moi ce matin. Tâchec que je ne me trompe pas. En attendant, je crois que je prendrai le parti de permettre que les ouvriers de Mme Marcy [2] travaillent dans l’appartement pendant que j’y serai. De cette façon, tu n’aurais pas à te préoccuperd de mes évolutions dans la capitale du faro [3], savez-vous [4]. Il est probable que je vais en faire prévenir mon hôtesse tout à l’heure afin de trancher toutes les difficultés de juxtapositions du même coup. L’important pour moi est que tu sois tranquille et que je ne risque pas de perdre une seule minute du temps que tu peux me donner. J’espère que tu m’approuveras et que tu approuveras aussi que je réponde à la lettre et à l’envoi de mon neveu [5] en le priant de toucher barre à Bruxelles en allant à Iéna si cela ne dérange pas trop son itinéraire de voyage ? Je finis ma trop longue restitus par où je l’ai commencée : je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 208-209
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) Dans la marge gauche de la première page, Juliette a écrit « + de papier ».
b) Effectivement, le format de la lettre est plus grand qu’habituellement.
c) « tâches ».
d) « préocuper ».

Notes

[1Alice Hugo est de nouveau enceinte. Elle accouche le 16 août 1868 d’un petit garçon que ses parents nomment Georges. Cet enfant est considéré comme la résurrection de l’âme de leur premier enfant, également prénommé Georges, décédé le 14 avril 1868.

[2Vraisemblablement, Mme Marcy est la propriétaire, ou du moins la gérante, de l’hôtel de la Poste.

[3Faro : bière de la région bruxelloise.

[4Juliette, pour faire de l’humour, prétend imiter une tournure belge.

[5Juliette Drouet écrit le jour-même, vendredi 31 juillet, à son neveu Louis Koch : « [...] s’il en est encore temps et si cela ne dérange pas trop ton itinéraire allemand, de venir me voir en passant pendant que je suis sûre de mon séjour ici » (Lettres familiales). Il lui répond le 4 août suivant : « Je vous écris cette ligne à la course, ma bien chère tante, pour vous dire que c’est avec enthousiasme que nous répondons à votre amical appel, en passant par Bruxelles. Nous allons donc pouvoir vous embrasser et vous remercier et jouir d’un moment si ardemment désiré et attendu par nous. Jeudi [6 août] nous serons tous trois près de vous » (édition de Gérard Pouchain, p. 240-243).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne