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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 novembre [1840], jeudi soir, 5 h.

J’ai voulu me débarbouiller et m’habiller auparavant de t’écrire, mon adoré, parce qu’il était déjà un peu tard quand tu es parti. Je ne veux pas dire pour cela que tu étais resté longtemps avec ta pauvre Juju mais que les jours sont si courts qu’à peine levéa on ne voit plus clair à se peigner et à s’arranger. La pauvre Turlurette est arrivée fort pâle et fort abattue la pauvre créature. Cela m’a fait une véritable peine de la voir ainsi la pauvre enfant. Nous devons nous estimer bien heureux nous autres qui avons des beaux enfants bien forts, bien gaillards et bien portants. Bonjour mon bel ange, je t’aime, tu deviens de jour en jour plus doux et plus ravissant. C’est plus que de la beauté c’est une espèce de transfiguration comme le bon Dieu après sa résurrection. Ta beauté s’idéalise de jour en jour, il me semble souvent que je vois ta belle tête sur un fond de rayons comme les saints d’Albrecht Dürerb. Si j’étais superstitieuse j’aurais peur mais tu es si nécessaire, c’est-à-dire si indispensable au monde tout entier et à moi en particulier, que je n’ai pas la moindre crainte à ce sujet. Tu es beau parce que tu es bon, noble et sublime, voilà tout. Oh ! je te dis bien la vraie vérité de mon cœur, mon Dieu, non pas comme je la sens parce que je suis trop bête mais comme je le peux. Pauvre bien-aimé, c’est bien vrai que tu es beau et bon et noble et doux. Je t’aime de toute mon âme et bien plus encore car il n’y a pas un atome de mon être qui ne soit ravi et en extase devant toi. Pauvre adoré, crois-moi bien car tout ce que je te dis jaillitc de mon cœur plutôt qu’il n’en sort, c’est une impression d’amour à laquelle je ne pourrais pas résister quand bien même je le voudrais. Donne tes chères petites mains que je les baise, tes chers petits pieds que je les adore. Je vous dis que vous êtes mon Toto. Jour onjour. Papa est bien i. Voime, voime, voime mais seulement quand il fait SON MIEL. Ia ia ia [1]. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 155-156
Transcription de Chantal Brière

a) « lever ».
b) « Albert Durer ».
c) « jaillis ».

Notes

[1Ja : oui en allemand.

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