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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juin 1840

3 juin [1840], mercredi après-midi, 4 h.

Mon Toto je pense à toi, mon Toto je t’aime, mon Toto je te désire, mon Toto je t’attends, mon Toto je t’adore. J’ai vu Jourdain tantôt ; il passait dans le quartier, a-t-il dit. Je suis convenue avec lui de lui écrire le jour fixe où il pourra venir pour terminer enfin son ancien compte. Il faudra que je m’occupe absolument de ce petit travail, ce qui n’est pas une petite besogne pour moi que celle de remuer toute une commode entière pleine de vieux papiers. Enfin il le faut et je le ferai. J’ai eu aussi l’épicier que j’ai payé et mon chapeau de voyage que je n’ai pas payé. J’ai fait dire à la marchande d’envoyer samedi. Il fait un temps ravissant et je ne peux pas sortir. On dirait que le diable s’en mêle, chaque fois que tu me fais sortir il survient un empêchement qui nous oblige à aller en voiture et à me claquemurer soit dans une loge, soit dans une mansarde au sixième étage, ce qui constitue un exercice peu hygiénique pour une pauvre créature qui ne sort jamais plus de trois fois par mois. Baise-moi mon Toto chéri. Baise-moi mon amour. Je vous dis que je vous aime. Il fait un temps délicieux, quel dommage que nous n’en profitions pas bras dessus bras dessous comme de bons petits amoureux que nous sommes. C’est triste de penser qu’un bon petit être comme toi et qu’une pauvre femme comme moi ne puissions pas, quand il nous plaît, jouir du beau soleil, des beaux arbres, des belles fleurs et du bon loisir. Le bon Dieu n’est pas toujours juste. Je le sens quelquefois avec trop d’amertume. Mais baise-moi, aime-moi et je supporterai tout sans me plaindre. J’ai le frotteur à la maison dans ce moment qui me chasse de pièce en pièce. Peut-être aussi prendrai-je un bain ce soir si les baigneurs passent. Il y a très longtemps que je n’en ai pris et je sens que j’en ai besoin. Dans ce cas-là je pourrais souper avec toi ce qui serait bien gentil, n’est-ce pas mon amour ? Baise-moi qu’on vous dit et ne regardez pas les bronzières ni même les pierreuses de la société si vous tenez à votre VIE. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 185-186
Transcription de Chantal Brière

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