16 février [1840], dimanche soir, 4 h. ½
Vous êtes toujours bien pressé de me quitter, mon adoré, vous ne faites que paraître pour me donner plus de regrets, je crois. Méchant, méchant homme que je vous aime.
J’ai lu la lettre de Soumet, ce pauvre garçon me paraît sincère, mais il ne viendra pas et tu ne seras pas nommé, il est vrai que s’il était venu te donner sa voix [1] tu ne l’aurais pas été non plus, ainsi il n’y a pas grand dommage de toute façon. Mon Dieu que je serais attrapéea si par hasard tu étais nommé ! C’est pour le coup que j’aurais un fameux nez et que je m’écrierais avec Arnal : Ah ! sacristie ! ah ! ventrebleu ! ah ! nom d’un petit bonhomme ! [2] Dans quatre jours [3] à pareille heure nous en aurons le cœur net. En attendant je vous aime comme si vous n’étiez pas couvert du hideux nom de CANDIDAT et comme si vous n’étiez pas le plus stupide des hommes de vous êtreb mis sur les rangs pour cette ridicule MACHINE. Je vous attends ce soir avec le reste de mon Trumeau [4] qui vaut mieux que tous les tableaux des maîtres passés et futurs. Je ne vous ferai pas grâce d’un quart d’heure, je vous en préviens. Je suis pressée de jouir moi, je n’ai pas le temps d’attendre que les autres en aient aux talons tandis que je n’en ai pas encore au bec, ainsi à ce soir. Et à toujours mon adoré pour t’aimer et t’admirer comme tu le méritesc.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16341, f. 168-169
Transcription de Chantal Brière
a) « attrappée ».
b) « êtes ».
c) « mérite ».