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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 juin [1839], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon petit homme chéri, bonjour mon pauvre petit bien-aimé. Voilà déjà plus d’une heure que je suis levée mais la nécessité d’ouvrir mes fenêtres à cause de l’odeur de moisi qui s’exhalea de mon plancher m’entraîne d’une chose dans une autre, c’est ce qui fait que je t’écris plus tard que je ne voudrais. Tu as encore travaillé toute la nuit et tu n’es pas venu te reposer auprès de moi. Cependant c’est le moment ou jamais : plus d’ouvriers, une Juju qui vous aime et une certaine époque très menaçante et très rapprochée, tout cela devrait vous faire prendre le mors aux dents au lieu de rester là comme un solitaire du Liban. Pauvre ami, tu n’as pas cessé de travailler tous les jours et toutes les nuits et cependant ce mois-ci est un des mois les moins lourds de notre année. Que sera-ce donc mon Dieu de celui dans lequel nous allons entrer ? Je n’ose pas y penser, pauvre bien-aimé adoré. Ce n’est pas seulement de bouche que je me tourmente pour toi mais ma tête et mon cœur sont remplis d’inquiétudes et de tristesse. Je voudrais passer mes jours et mes nuits à travailler à mon tour pour te donner le repos et le bonheur. Je t’aime, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 55-56
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « s’exale ».


30 juin [1839], dimanche soir, 8 h.

Eh bien ! Mon cher petit blagueur, vous êtes joliment revenu, hein ? Et moi qui ai fait les cent dix-neuf coups en vous attendant, c’est bien fait. Ça vous apprendra. D’ailleurs vous étiez averti, ainsi tant pis pour vous. Baisez-moi, vieux loup, vous voyez bien que c’est pour rire. Oh ! là là, voilà la voisine qui vient avec son hideux fils pour remercier Mme Pierceau de ce qu’elle a habilléa sa mère pour le bal. Ceci se passe dans la pièce voisine pendant que je t’écris. Je ne les vois pas, ils ne me voient pas mais c’est égal. J’aurais une drôle de scène si tu venais dans ce moment-là. Cependant rien n’est plus innocent, pour moi surtout, qui ne vois même pas le nez des susdits voisins. Ma plaisanterie m’a portéb malheur et je suis très vexée de l’avoir faite car si vous venez vous m’en ferez repentir. Les voilà enfin partis. Ouf ! Je n’en suis pas fâchée tout de même. Jour, mon Toto, soir, mon petit homme. Je me suis tenue zoliment dans un trou de souris tout le temps que les salamalecs ont duréc et personne n’a pu se douter que j’étais là. Baisez-moi et reconnaissez que je vous aime dans les frayeurs ridicules que je viens d’éprouver.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 57-58
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « habillée ».
b) « portée ».
c) « durés ».

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