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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 novembre [1837], dimanche après-midi, 4 h.

Merci mon cher petit homme, merci d’avoir eu moins d’entêtement et de méchanceté que moi. Mais c’est qu’aussi c’est si injuste et si cruel les soupçons absurdes que tu me montres quelquefois, que j’en deviens stupide et féroce à force de souffrir. Aussi je veux vous prouver que je me repens et que je vous aime en ne grognant pas du tout dans votre absence qui paraît devoir être un peu longue. Depuis que vous êtes parti, j’ai fait mes comptes. Après avoir payé ma [dépense  ?] et mes brodequins il [ne] me reste que près [de] 3 F. et c’est demain le mois de la bonne. Je t’en avertis parce qu’il le faut mais je n’en suis pas moins vexée d’être obligée de te tourmenter tous les jours pour cet ignoble argent.
J’aurais voulu ce soir aller chez la mère Pierceau savoir un peu ce qui se passe, mais je sens bien d’un autre côté que tu as trop à faire pour pouvoir m’y mener.
Soir pa, soir man. Je ne serai plus jamais méchante et ni vous non plus. Je me repens et je t’aime plus que jamais. Tâche donc d’avoir les 2 mois qui viennent de s’écouler, je suis sûre que cela fera bien dans le paysage [1]. Je t’aime, je t’adore mon petit Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 17-18
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


5 novembre [1837], dimanche soir, 9 h. ¼

Je viens de finir ma nomenclature. Que de cuistres ! Ouf ! J’en avais jamais autant vu à la fois. Heureusement, c’est fini. C’est à ton tour maintenant mon pauvre bien-aimé. Et Dieu sait si ta part n’est pas encore plus ennuyeusea que la mienne. Je voudrais être plus vieille de 15 jours à condition que cela ne me comptera dans les 25 ans que j’ai, bien entendu, mais je voudrais connaître l’issue de ce procès car avec la justice on n’est sûr de rien. Aussi je voudrais déjà que tu en fussesb quitte. Fais tes affaires ce soir mon bonhomme, moi je t’attendrai avec patience et je penserai à toi avec amour. Je sais que tu as mille choses indispensables à faire. Ainsi ne t’inquiète pas de moi. Viens aussitôt que tu le pourras, tu me trouveras bonne et bien résignée, comme l’héroïne ou le héros de Gustave Drouineauc de drolatique mémoire [2]. Soir pa, soir man. Je vous aime, et vous ? Aimez-moi mon petit homme, je le mérite bien assez, car tout mon cœur, toutes mes pensées, toute mon âme est à vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 19-20
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « ennuieuse ».
b) « fusse ».
c) « Drouinau ».

Notes

[1Allusion aux deux derniers mois de publications de journaux. Juliette passe la presse en revue pour y relever des informations utiles au procès que prépare Hugo contre la Comédie-Française.

[2Allusion au roman de Gustave Drouineau, Résignée (1832), qui eut un certain retentissement pour sa préface dans laquelle l’auteur expose les thèses du néo-christianisme. Il fut à la fois loué et critiqué pour ses chapitres où l’héroïne incarne de manière très conventionnelle la femme de devoir, pure et dévouée, aux antipodes des héroïnes adultères alors majoritaires dans la littérature.

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