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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1840

24 mars [1840], mardi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour toi que j’aime, bonjour. Je viens de m’apercevoir avec rage que j’ai oublié une strophe des vers de L’homme à la carabine [1] et qu’il faut que je recommence une page. Cela ne me vexe que parce que j’ai autre chose à copier et que je crois que tu attends après, sans cela j’y trouverais plutôt du plaisir. Je n’ai pas fait de tisanea parce qu’il en reste encore beaucoup même après que j’en ai eu bu une tasse, mais il y en aura encore de trop pour vous aujourd’hui. Baisez-moi mon Toto, je vous aime. C’était charmant notre petit souper hier, il n’y manquait que le reste……… c’est-à-dire ce dont les imprimeurs se plaignent avec tant d’amertume de mon écritureb ? Vous savez ce que je veux dire ? À propos, mon cher petit loup, c’est aujourd’hui votre jour chez M. Thiers, je ne vous perdrai pas de vue, je n’ai pas besoin, moi, de vous prêter aux femelles des ministres, femmes, filles, sœurs, belles-mères, cousines, tantes, etc., etc. J’ai déjà assez de peine à vous avoir pour moi seule sans encore vous prêter à DOMICILE comme ça. Je vais vous surveiller, soyez tranquille. J’ai oublié de te demander, mon petit homme, si cela ne te faisaitc rien qu’il n’y ait que deux couplets par page au lieu de quatre ? Mon écriture n’étant pas aussi fine que la tienne j’ai dû faire comme cela pour ne pas gribouiller, mais je crains d’avoir mal fait ? J’en serai quitte pour recommencer, voilà tout. Baisez-moi mon bon petit homme, soyez-moi fidèle et revenez à moi tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 298-299
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) Le mot s’achève par une longue boucle qui tient la moitié de la ligne.
c) « faisais ».


24 mars [1840], mardi soir, 6 h. ¾

Que je t’aime mon Toto. Depuis le premier jour où je t’ai vu ça toujours été plus, jamais moins. Je t’admire et je t’aime, je te vénère et je t’aime. Je baise ta bouche et tes pieds et je t’adore. Tu n’as rien à craindre de moi, toi, ni moi de toi, j’en suis bien sûre. Tu étais ravissamment beau aujourd’hui, ton âme était sur ta figure et m’éblouissait. Mon Dieu que je t’aime, je ne trouve rien dans ce que je dis qui puisse seulement faire soupçonner ce que j’ai dans le cœur de passionné et d’enthousiasme pour ta noble et belle figure. Ce n’est pas ma faute si mon esprit est au-dessous de mon amour, mais je préfère que ce soit ainsi, et non pas mon amour au-dessous de mon esprit, et toi ?
Je vais copier tout à l’heure notre voyage [2] ; tout bien considéré, j’aime mieux ça que d’être sortie pour aller chez la mère Pierceau, j’ai au moins l’espoir de te voir avant minuit et cela seul me fait trouver douce ma solitude. Je t’aime mon adoré, je vous aime mon Toto, mettez cela dans votre bon petit cœur et aimez-moi de toutes vos forces et de toute votre âme. Baisez-moi, mon amour, et tâchez de venir une petite goutte avant votre dîner. Tâchez aussi de ne pas oubliera la M…de Mme Krafft et de lui obtenir plusieurs lieux d’aisance en attendant qu’elle enterre son espoir de fortune dans des fosses plus ou moins inodores.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 300-301
Transcription de Chantal Brière

a) « oubliez ».

Notes

[1« Gastibelza, l’homme à la carabine » est le premier vers du poème « Guitare », XXII, Les Rayons et les Ombres.

[2Voyage des mois de septembre et octobre 1839.

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