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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 6 août 1852 [1], vendredi après-midi, 1 h.

Mon cher bien-aimé, je te dédie les premières pattes de mouches qui sortent de mon encrier jersien et je te redonne toutes mes pensées et tout mon cœur sur la terre d’Angleterre comme je te les ai donnés la première fois que je t’ai vu sur la terre de France. Nous voici au terme de nos pérégrinations terrestres et maritimes. Dieu veuille, cher bien-aimé, que tu trouves enfin dans ce petit coin hospitalier le repos et le bonheur domestique dont tu étais privé depuis si longtemps. Hier ne te voyant si près de tous chers êtres si aimés et si regrettés j’oubliais mon propre isolement pour ne penser qu’à ta joie que je dévorais des yeux, que je bénissais de l’âme, que je partageais de toute la force de mon amour pour toi, de mon respect et de mon dévouement pour ta noble et sainte femme. C’est ainsi que je t’ai suivi de loin jusqu’au moment où j’ai été forcée de m’arrêter dans le fameux Hôtel du Commerce [2] d’où je te gribouille ces quelques lignes en attendant que tu puisses venir m’y voir aujourd’hui. J’ai grand peur que tu ne le puisses pas avant ce soir, ta famille devant être impatiente de chercher une maison et surtout de profiter de ta présence pour voir l’île qu’on dit très charmante. C’est ce qui me fait craindre de ne pas te voir ce soir. Et pourtant je n’ose pas sortir dans la crainte de manquer l’occasion si désirée de te voir. D’un autre côté, j’ai un mal de tête fou causé par l’odeur de peinture et de vernis de la maison qu’on remet à neuf. Je ne sais que résoudre. Tu serais mille fois bien inspiré de venir me tirer d’embarras tout de suite. En attendant, cher adoré bien-aimé je t’admire, je te bénis et je t’aime dans ce petit coin du monde comme je t’aimais, je te bénissais et je t’admirais dans la grande ville de l’univers car tu es toujours et de plus en plus mon grand sublime, ineffable et ravissant adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 197-198
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

Notes

[1Juliette Drouet et Victor ont quitté la Belgique via Anvers le 1er août pour se rendre d’abord à Londres, puis à Jersey, où ils débarquent le 5 août. Juliette voyage incognito. Hugo est accueilli par les siens, qui l’ont précédé.

[2À son arrivée à Jersey, Juliette réside quelques jours à l’Hôtel du Commerce. Son coût trop élevé l’oblige à déménager. Elle loue un petit appartement au premier étage d’une maison (Nelson Hall) située près du Havre-des-Pas. La famille Hugo séjourne à l’Hôtel de la Pomme d’Or situé dans le centre de Saint-Hélier avant d’emménager à Marine Terrace.

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