Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Mai > 12

12 mai 1852

Bruxelles, 12 mai 1852, mercredi matin, 10 h.

Que tu es bon, mon doux adoré, et combien je suis heureuse de la peine que tu as prise ce matin en venant me voir. Je ne m’y attendais pas, je n’osais même pas le désirer pour te laisser plus de temps à dormir mais tu as prévenu mon désir le plus secret et le plus cher et tu es venu m’apporter la santé, le courage, la joie et le bonheur. Sois béni, mon grand sublime bien aimé. Il a suffi de ton apparition pour effacer toutes les traces de la fatigue de cette nuit. Maintenant je suis tout à fait gaillarde et capable de courir tout d’une haleine jusqu’à Hal [1] dans l’espoir de vous RATTRAPER. Mais je respecte l’ignorance de ce pauvre Charlot et je ne veux pas troubler son plaisir par ma présence importune. Je me résigne à t’attendre chez moi en t’aimant de toutes mes forces de tout mon cœur et de toute mon âme. Amusez vous, mes pauvres amis, mettez bien le temps à profit et surtout ne regardez pas trop les jolies femmes, c’est à vous ami lecteur que ceci s’adresse. Quant à Charlot et aux deux autres maigres compagnons, je leur laisse toute liberté d’yeux, d’ouie, de parole et le RESTE. En attendant votre retour, j’ai reçu une charmante lettre double de Dillon. Tu la verras et tu reconnaîtras qu’il est impossible d’être plus reconnaissante et plus affectueusement admirative que cette Dillon là. C’est comme l’écho de mon âme. Aussi, je te remercie avec ce que j’ai de plus tendre et de plus doux pour la sympathique bonté que tu lui témoigneras autant que si tu le faisais pour moi seule. Mon Victor adoré, je sens que je m’exprime mal, mais tu devines tout ce que mon cœur ressent d’amour, d’admiration et de reconnaissance pour toute ta sublime personne. Je te vénère comme un Dieu et je te baise avec les plus ardents baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 19-20
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 12 mai 1852, mercredi après-midi, 2 h.

Je vois avec bien du regret que vous n’avez pas beau temps pour votre excursion, mes pauvres touristes. Décidément le Van Hasselt n’a pas le bureau des longitudes dans sa manche, car voilà deux fois de suite qu’il fait un temps de chien quand il vous emmène. Pourvu que tu aies songé à prendre ton gros paletot ? Pourvu que ce grand vent ne te fasse pas mal aux yeux et ne te fasse pas mal à la tête ? Cher adoré, pour peu que le plaisir ne soit pas très vif, reviens à quatre heures pour éviter le froid de la nuit. Je crains pour toi les rhumes. Je t’assure, mon cher petit homme, que ma recommandation est en dehors du besoin si vif et si impérieux que j’ai de te voir. Tâche de revenir avant ce soir et, si tu ne le peux pas, prend bien garde d’éviter le froid.
Le pauvre M. Yvan a envoyé dire qu’il était tout à fait malade. Si tu veux, nous irons le voir demain. Je crois que, outre la fièvre des tropiques, il entre un peu de nostalgie dans son indisposition ce qui rend sa guérison plus difficile probablement. Mais je suis sûre qu’une causerie de toi lui redonneras du cœur au ventre car il t’admire et il t’aime de toute son intelligence et de tout son cœur. Quant à moi je ressusciteraia le jour où tes yeux se fixeront sur mon cercueil car toute ma vie vient de toi comme elle est tout à toi. Je vais achever de copier ce qui me reste pour te forcer à m’en donner d’autres pour demain. Et puis je t’attends avec toute mon impatiente sollicitude car je crains que tu ne prolonges ton excursion au delà du coucher du soleil, ce qui ne sera rien moins que prudent, cher adoré. Mon petit homme, prends bien soin de toi et tâche de revenir avant la nuit. J’aime mieux te savoir chaudement chez Deschanel [2] que courant les chemins et les rhumes ce soir. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 21-22
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « ressuciterai ».

Notes

[1Le 12 mai 1852 Victor Hugo accompagné de son fils Charles et du poète belge Van Hasselt font une excursion dans la ville de Hal.

[2À Bruxelles, Hugo suit les cours de Deschanel.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne