Paris, 13 mars [18]72, mercredi matin, 8 h.
Cher adoré, ma pensée, mon cœur, mon âme sont auprès de toi encore plus, si c’est possible, aujourd’hui que tous les autres jours. Je demande à Dieu de t’épargner de nouveaux deuils et de bénir tes chers petits-enfants. J’associe à cette suprême prière toutes nos chères âmes afin qu’elles obtiennent là-haut ce que je demande à deux genoux pour toi ici-bas. Cher bien-aimé, mon cœur se serre en pensant à ce que tu souffres aujourd’hui. Je cherche sans trouver les mots qui pourraient adoucir tes regrets. J’aurais voulu à force d’amour intercepter ce noir anniversaire [1], au moins te le voiler… mais je suis moi-même si affligée par lui que je ne trouve rien à te dire, sinon que je partage ta douleur, que je t’aime et que je te bénis. J’espère que les petits-enfants vont bien malgré leur coqueluche. Je te prie, si tu peux prendre sur toi de t’en occuper ce matin, de m’envoyer à copier par Suzanne. M’absorber dans ta pensée, c’est me rapprocher de Dieu et je ne le prie jamais mieux qu’en t’aimant.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 72
Transcription de Guy Rosa