14 février 1881

Paris, 14 février 1881, lundi matin, 11 h.

J’espérais qu’ayant très bien dormi cette nuit tu te serais levé plus tôt ce matin, mais je vois, mon cher petit paresseux, qu’il n’en est rien et que tu pionces encore à poings fermés^a comme si de rien n’était. Cela étant, je n’ai pas voulu interrompre ton rêve, si tu en fais un, surtout s’il est bon comme je l’espère.
J’étais allée te relancer plus tôt aujourd’hui pour te dire que le déjeuner était avancé d’une heure à cause du voyage à Rouen de M^me Lockroy et parce que les enfants déjeuneront^a pour pouvoir accompagner leur mère à la gare. En même temps je t’aurais fait souvenir que la séance publique au Sénat est pour deux heures et qu’on y traitera la question des tutelles [1]. Je t’ai laissé le livre car c’est aujourd’hui le jour à argent et à blanchisseuse.
À propos, Virginie est revenue de son pays ; elle t’a apporté six œufs tout frais pondus et quelques gâteaux du cru. Elle paraît très heureuse d’avoir revu son pays et sa famille qu’elle a quittés il y a onze ans. Le retour de cette brave et honnête femme m’a fait un très vrai et très vif plaisir. C’est si bon de voir d’honnêtes gens qu’on ne s’en lasse jamais. Pas plus que je ne me lasse depuis quarante-huit ans de t’admirer, de te vénérer, de t’aimer et de t’adorer et de te bénir.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 26
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « déjeunerons ».
b) « poing fermé ».