Paris, 21 mars 1881, lundi matin, 8 h.
Je sais, pour t’avoir entendu t’agiter cette nuit, mon pauvre bien-aimé, que tu n’as presque pas dormi. Mais j’espère que la matinée te sera meilleure et que tu dormiras un bon somme d’ici au déjeuner. Le temps froid y prédispose aujourd’hui et tu feras bien d’en profiter.
Je viens de mettre de côté pour te le rendre le papier que tu m’as demandé hier. Je te supplie à nouveau, et c’est aussi l’opinion de MM. P.M. et V. [1] de dispenser mon pauvre neveu de l’honneur immense que tu veux bien lui conférer [2]. Honneur que son ignorance des affaires, jointe à sa timidité naturelle, rendrait inutile pour toi et peut-être dangereux pour lui. Il faut que j’en sois bien convaincue pour renoncer pour lui à l’honneur que tu voulais lui faire et qu’il mérite si bien, en tant que dévouement à ta personne, doublé de la plus absolue probité. Malheureusement ces deux qualités ne sauraient suppléer à son ignorance complète du droit et de la chicane si, ce qu’à Dieu ne plaise, on avait besoin d’y recourir. Je n’en suis pas moins honorée, moins fière et moins reconnaissante pour moi et pour mon neveu de la marque d’estime et de confiance que tu lui as donnéee en cette occasion et je t’en remercie avec amour pour lui et pour moi. Sois béni autant que je t’admire et que je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 58
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « donné ».