Paris, 1er mars 1881, mardi gras, 10 h. du matin
En l’honneur de notre jour anniversaire [1], je te [souris ?], je te pardonne et je t’aime. J’espère que tu en feras autant pour moi dans le for de ton grand cœur.
Lesclide, toujours obligeant, doux et empressé, est déjà à la besogne du dépouillement des télégrammes, non petite besogne, je t’assure, nous passerons aux lettres et aux journauxa dès que nous le pourrons. À propos de journaux, quelqu’un dont je ne sais pas le nom m’a avertieb hier qu’il avait paru dans le Voltaire de la veille un article de Banville intitulé : Camées parisiens dans lequel je figure [2]. J’ai eu tout à l’heure la curiosité de le lire et bien que j’y sois trop bien traitée, cela m’a fait plaisir de lire cette marque de sympathie de la part de ce galant homme et précieux poète. Plaisir doublé du souvenir du portrait fait jadis par le bon Théophile Gautier et qu’on rapporte de cette occasion dans ce médaillon [3].
Maintenant, revers de la médaille et du médaillon, je te fais souvenir que je n’ai pas reçu hier les 200 F. que tu devais me donner pour la maison et dont la cuisinière a le plus grand besoin, la dépense loin de diminuer pendant ces deux derniers jours, a augmenté dans les proportions de ta gloire, ce qui n’est pas peu dire. Le temps toujours un peu froid est redevenu gai et charmant et plein de bonnes promesses printanières. Moi encore très fatiguée et très patraque, je retrouve rajeuni dans mon vieux cœur tout l’amour ineffable de notre radieux jour mardi 1833. Je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 44
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « journeaux ».
b) « avertit ».