29 juillet [1841], jeudi matin, 11 h. ¼
Je t’écris tout de suite une grande lettre, mon amour, parce que c’est aujourd’hui jour du frotteur [1], parce que j’ai à copier et parce que peut-être nous mèneras-tu au feu d’artifice ce soir [2]. Comment vas-tu, mon bien-aimé ? Comment vaa ta chère petite tête ? J’espérais que tu viendrais ce matin déjeuner avec moi mais je me suis trompée comme cela ne m’arrive que trop souvent. Pauvre petit homme bien-aimé, ce n’est pas pour te tourmenter, mon chéri, que je te dis cela, c’est parce que je t’aime et que je voudrais toujours te voir et te baiser.
Tu auras ta copie tantôt quand tu viendras parce que je vais me dépêcher de faire faire mon ménage et de m’habiller. Il fait beau aujourd’hui, tu dois avoir moins mal à la tête [3]. J’ai une nouvelle poupée dont Mlle Dédé profiterab probablement car elle manque à sa collection [4]. Je la lui donne d’avance, à la scélérate, mais je ne vous dirai pas l’âge du capitaine Lambert [5]. Arrangez-vous là-dessus, c’est un parti pris et repris. Il n’y aurait que la boîte à volets [6] qui pourrait me délier la langue à l’exemple de Saint-Thomas d’Aquin. Bos mutus [7]. Sinon non, je garde le silence le plus obstiné et vous ne saurez pas l’âge du capitaine Lambert. Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime malgré VENT et marais [8]. Convenez que vous êtes un fameux cochon et je vous pardonne, ce que je ne vous pardonne c’est d’avoir la lâcheté de nier vos turpitudes. Baisez-moi, affreux bonhomme, n’ayez plus mal à la tête et venez bien vite auprès de moi. Je vous aime, je vous adore qu’on vous dit. Baisez-moi encore toujours sans désemparer. Toto je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 99-100
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « vas ».
b) « profiteras ».