15 mai [1841], samedi après-midi, 3 h. ½
Je viens de faire la plus hideuse des corvées, celle de chercher ce fameux diplôme [1]. Je l’ai enfin trouvé, plus une copie de la lettre de Vevey [2] dont tu n’as probablement pas besoin et que je brûlerai parce qu’elle encombre la seule et unique boîte que j’aie pour serrer vos chers petits manuscrits. Voilà ma raison.
Je vais envoyer tout à l’heure chez la couturière, en même temps on passera chez la marchande de modes, ce qui me vexe assez car je n’ai pas l’argent pour payer sa facture [3]. Toute réflexion faite je n’y enverrai pas, voilà ma résolution.
Je vous aime, mon vieux cochon, je vous aime dans toutes vos cochonneries, je vous aime peut-être encore plus à cause d’elle, voilà mon opinion. Je croyais avoir assez d’argent pour payer Jourdain et Gérard dans le cas où ils seraient venus tous les deux elle et lui aujourd’hui. Mais il ne me reste juste que 17 F. 10 sous au lieu de 27 F. comme je le pensais. Ainsi le premier des deux qui arrivera coupera l’herbe sous le pied à l’autre jusqu’à ce que l’herbe ait eu le temps de repousser dans ma bourse. Jour Toto, jour mon petit o, jour mon adoré Toto, je t’aime. Papa est bien i, ia ia, surtout quand il se débarbouille et qu’il demande des vieux papiers moisis de cinq ou six ans [4]. Quel bonheur !!! Taisez-vous brigand, vous n’avez pas la parole. Apportez-moi mes tourterelles, je verrai ce que j’ai à faire. En attendant, ne soyez pas deux mille ans sans revenir.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 151-152
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette