9 mars [1841], mardi soir, 5 h. ¼
Vous voulez donc que je vous dise vos vérités, mon amour, ce sera long et pas amusant car vous êtes un affreux cochon depuis les pieds jusqu’à la tête, y compris ce qu’il y a dans l’intervalle.
[Dessina]
Cette vignette figure une QUEUE. J’aime mieux vous dire des mensonges, ce sera plus court et plus agréable pour tous les deux.
Je commence, attention : ___bToto vous êtes trop joli, Toto vous avez un beau gilet, Toto vous avez de ravissants coups de griffes contre l’œil [1], Toto vous êtes pâle, Toto vous êtes excessivement mince, Toto vous avez beaucoup d’esprit, Toto vous êtes un beau JEUNE HOMME.
Sur ce, je tire l’échelle et je rengaine mes compliments. Voime, voime, voime [2]. Ce que je ne peux pas rengainer avec la même facilité, c’est mon amour pour vous. J’ai beau recevoir des camouflets, j’ai beau être oubliée, délaissée et mystifiée, je vous aime avec fureur. On n’est pas plus commode ni plus bonnasse que moi. Enfin c’est comme ça, ça n’est pas ma faute, au contraire. Quel beau temps, mon amour, comme je serais heureuse de me promener ce soir avec vous. Hélas ! c’est peu probable. La matinée que vous m’avez donnée aujourd’hui, il va falloir que je la paie par beaucoup de soirées solitaires, n’est-ce pas mon amour ? J’ai déjà donné un acompte par celle d’hier [3]. Ne l’oubliez pas afin de ne pas me faire payer deux fois et bien trop cher la pauvre petite matinée d’aujourd’hui. Toto, je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 225-226
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) Dessin d’une petite queue de cochon :
- © Bibliothèque Nationale de France
b) Large tiret bas.