7 mars [1841], dimanche matin, 11 h. ¾
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré.
Je viens de recevoir une bonne petite lettre de Claire dans laquelle elle m’envoie une charmante petite image pour Dédé [1]. Il paraît qu’elle travaille beaucoup et qu’on est content d’elle et qu’elle désire me voir et que je lui écrive de temps en temps. Voilà, mon cher Toto, les nouvelles de ce matin.
Pourquoi n’êtes-vous pas venu, cher bijou ? Pourquoi ? Pourquoi, répondez vite et bien ou je me fâche pour de bon. Vous m’avez cependant laissé votre bel habit en gage. Si je voulais, je pourrais exercer sur lui une affreuse vengeance mais je ne veux pas, je me borne à vous accabler de mon mépris.
Voime, mais ça ne vous fait pas assez de mal, il faudra que je trouve encore autre chose. À propos, vous savez que je ne veux plus manger de raisin [2] la nuit ; voilà déjà deux ou trois fois qu’il me fait du mal mais cette nuit j’en ai été sérieusement indisposée. Je ne peux pas digérer cet espèce de fruit, c’est assez singulier car tout le monde le digère sans peine. J’ai encore l’estomac malade du travail laborieux de cette nuit.
J’ai oublié de te dire, mon cher adoré, que je ne peux pas copier auparavant que tu n’aies vu les cinq premières pages de ma copie afin que je sache si je peux continuer et m’indiquer en même temps les choses à copier [3]. Voilà, mon Toto, après quoi je m’y mettrai de tout cœur car rien ne me plaît plus que ce genre d’ouvrage. Je vous [aime ?].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 217-218
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
7 mars [1841], dimanche soir, 5 h.
Vous venez aussi peu le dimanche que les jours de la semaine, mon Toto, ce qui fait que pour moi les jours de la semaine sont aussi tristes que les dimanches et réciproquement. Il fait un vilain temps humide et je suis sûre, exceptée ma pauvre Joséphine, de ne voir personne. Il est vrai que la pauvre fille est loin d’être amusante ; c’est la vertu personnifiée, c’est tout dire.
À propos, j’ai vu Résisieux, sa bonne et son frère [4], mais j’ai à peine eu le temps de la voir tant l’affreux Jonas poussait d’affreux cris. Force a été de le remmener bien vite pour le faire taire. Quelle horrible petitea haridelle [5], excepté la voix c’est un fantôme [6]. Jour Toto, jour mon petit o.
Puisque vous vous moquez si bien de mes talents de ménage, de l’impulsion que je donne à l’ouvrière [7] pour l’entretien de vos zaillons, vous trouverez bon que je ne m’en mêle plus. Je n’ai pas besoin de me donner beaucoup peine pour vous servir de risée : « M. prend son café sans doute [8] ». Moi, je prendrai mon bâton et je vous en ficherai des coups, nous verrons lequel des deux sera le plus spirituel.
BnF, Mss, NAF 16344, f. 219-220
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « Quel horrible petit ».