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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 février [1841], mercredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher adoré. C’est aujourd’hui, mon Toto, c’est ce soir qu’il y aura huit ans que nous nous aimons [1]. J’espérais que tu viendrais ce matin, maintenant j’espère que tu viendras ce soir en l’honneur du jour, de la date et de l’heure. Je voudrais déjà qu’il fît nuit. Je ne sais pas si tu trouveras encore une page blanche pour écrire sur le Livre d’anniversaire [2] mais dans tous les cas nous en prendrons un autre, ce n’est pas plus embarrassant que ça. L’amour peut se mettre en plusieurs volumes, comme le génie. Quanta au mien, tous les livres et toutes les bibliothèques du monde ne pourraient pas le contenir. Jour Toto, jour mon cher petit o, je t’aime de toute mon âme.
Je vais joliment m’amuser à copier tout ce que vous m’avez écrit depuis huit ans. Malheureusement, c’est bien peu et vous avez été ou bien paresseux ou bien AVARE de votre temps, de votre génie et de votre cœur pour m’en avoir donné si peu depuis si longtemps [3]. Dès que je n’aurai plus mon ouvrière [4], je commencerai.
Je crois que ma fille vient ce soir, cependant je n’en suis pas sûre. Tu m’as promis, mon cher petit homme, de tâcher de nous mener ensemble à mon pauvre père, tu me feras bien plaisir si tu peux réaliser ta promesse [5]. En attendant je t’aime, je te désire, je t’attends et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 151-152
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « Quand ».


17 février [1841], mercredi soir, 6 h. ¼

Je vous vois bien peu, mon amour, pour un jour d’anniversaire. J’espère que vous me rabibocherez cette nuit ? Au besoin je vous y forcerai, je ne plaisante pas quand il s’agit de mon bonheur, entendez-vous scélérat ? Vous auriez dû me donner une petite culotte aujourd’hui en l’honneur du 17 février mais vous ne savez pas faire les choses comme y faut. Cependant, une bonne petite culotte ce soir m’aurait été comme un gant et m’aurait fait un fameux veloursa étendu sur mon 17 février. Enfin, vous ne l’avez pas voulu ou vous ne l’avez pas pu, ce qui revient au même et je ne vous en veux pas. Mais je serai exigeante pour cette nuit, tenez-vous ferme sur les étriers, l’attaque sera violente je vous en préviens.
Je ne veux pas, mon Toto, que tu te défies de ma discrétion dans rien. Je t’aime trop, mon adoré, pour me rendre jamais coupable de bavardage qui puisse te nuire ou te contrarier en quoi que ce soit. Depuis huit ans, mon Toto, je t’ai donné assez de preuves de ma discrétion pour que tu ne doutesb pas de moi à propos d’ [6]. Maintenant baise-moi, aime-moi et reviens-moi bien vite.
Il paraît que ce n’est pas encore ce soir que vient Claire. Je ne te fais pas arranger tes cravatesc ce soir à cause de la lumière, demain au jour ce sera la première chose que fera Pauline. Et puis je t’aime, mon adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 153-154
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « velour ».
b) « doute ».
c) « cravattes ».

Notes

[1Juliette Drouet et Victor Hugo sont devenus amants dans la nuit du 16 au 17 février 1833, date qui sera celle du mariage de Cosette et Marius dans Les Misérables. Juliette confond-elle ici avec la nuit du 17 au 18 novembre 1839, celle de leur « mariage d’amour » ?

[2Toute leur vie, Juliette et Hugo vont tenir un cahier rouge, appelé « Le livre de l’anniversaire », dans lequel ils écrivent chaque année un texte célébrant leur première nuit et leur amour.

[3Si Juliette a le devoir, depuis 1839, d’écrire chaque jour au moins une lettre à Victor Hugo, le poète n’est en revanche pas assujetti aux mêmes contraintes ; de ce fait, ses lettres de réponse sont plutôt rares.

[4Pauline.

[5L’oncle de Juliette, René-Henry Drouet, est hospitalisé aux Invalides, très malade.

[6À élucider. En tout cas, à ce moment, Anténor Joly, qui dirige le Théâtre de la Renaissance (compagnie théâtrale fondée en 1838 à l’initiative de Hugo et Dumas qui souhaitaient disposer d’une troupe dédiée à leurs drames romantiques), se trouve dans une position fort fâcheuse, ses ressources épuisées, et il s’apprête à abandonner sa charge. La troupe sera dispersée deux mois plus tard.

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