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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mars 1836

30 mars [1836], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, monsieur Toto, comment avez-vous passé la nuit ? Bien à ce que je suppose. Moi, je me suis réveillée au moins vingt-cinq fois dans la nuit pour être bien sûre de ne pas dormir quand l’amant que j’attendais arriverait. J’en ai été pour ma peine et pour mon sommeil perdu. Convenez avec moi, mon cher Toto, que les amants d’aujourd’hui sont de bien piètres amants. Je ne dis pas cela pour vous, vous n’êtes pas mon amant et si, comme je le suppose, vous êtes l’amant de quelque jolie femme, vous êtes trop exceptionnel en tout pour ne pas confirmer la règle générale que les amants d’à-présent ne valent pas le diable.
Voici déjà bien longtemps que je vous occupe de moi et mes déceptions, il est temps que je revienne à des sujets plus intéressants pour vous. Et à ce propos, je vous demanderai si vous avez ouï parler du PROMPT COPISTE. C’est une découverte merveilleuse et qui ne peut manquer de faire la fortune de son inventeur.
Je vous signalerai encore la découverte de ZULEIMA, FAVORITE DU SULTAN MAMOUTH qui n’a dû la conservation de sa couronne qu’à une DENT, dent mirifique et qui enfonce toutes les dents que nous autres pauvres femmes de France croyons avoir pour ou contre nos Sultans aux turbans de feutre. Voici venir un VÉGÉTAL qui détrônera l’ANIMAL. Pour ma part je vais faire l’acquisition d’une de ces dents mais je la veux tailler en défense. En attendant mon triomphe, croyez-moi, monsieur Toto, votre très fidèle esclave.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 246-247
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


30 mars [1836], mercredi soir, 7 h. ¼

Pauvre Toto bien-aimé, tu étais triste et malheureux et je ne le savais pas. Pardonne-moi mon ange de ne l’avoir pas deviné. Je m’en veux de n’avoir pas senti que tu souffrais. Je croyais que ton travail seul était la cause de ton manque de parole cette nuit et dans la journée. Pauvre cher bien-aimé, je t’aime, je te le dis avec le mot, mais je te le dis encore bien plus avec le cœur.
Je t’aime, je t’adore, je voudrais me mettre en toi et tous les maux qui affligent notre pauvre humanité, dussé-je souffrir à moi toute seule la part de tous ceux qui te sont chers. Mon cher bien-aimé, mon amour, ma joie, ne sois pas triste ne te fais pas de mal, ne t’inquiète pas : il n’y a pas de danger pour ton cher petit Toto, je t’assure.
Je fais des vœux bien ardents pour que le pauvre petit bien-aimé ne souffre plus, je les ferais la même chose quand bien même son mieux ne me donnerait pas la chance de te voir plus tôt ce soir. Car je vous aime, mes pauvres Toto, petits et grands, je vous aime avec les entrailles quoique je vous aime avec le cœur. Je vous adore. Toi en particulier, mon grand Toto, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 248-249
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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