Jersey, 4 juin 1855, lundi après-midi 4 h
Est-ce que vous ne songez pas à venir me voir bientôt, mon cher petit homme ? Depuis que vous avez changé vos heures de nourriture, je ne vous vois plus du tout le matin et presque pas davantage le reste de la journée. Je vous préviens que cela ne peut pas contribuer à guérir mon rhume de cerveau, ce régime-là. Du reste, je ne sais pas qu’est-ce qui pourrait me le guérir au train dont il va. Quant au remède héroïque du docteur, il n’a pas eu d’autre résultat que de me donner une fièvre de cheval de toute la nuit et des chaleurs d’entrailles très peu amusantes. Aussi je ne le recommencerai pas. Mieux vaut encore avoir son nez morveux que le reste, dit la sagesse des nations. J’ai vu miss Aillex à midi. Elle a emporté le dessin et le veloursa avec la certitude de tout faire de point en point comme tu as dessiné le chiffre [1]. Puis le fils d’Asplet [2] m’a apporté un petit pot de crème et un de lait de beurre. Je regrette qu’il n’ait pas eu cette inspiration vendredi dernier ou vendredi prochain car rien ne me goûte sans toi et la meilleure crème est moins que tu petit lait si je ne la savoure pas sur ta belle et appétissante petite bouche, tel est mon enchifrènement.
Juju
BnF, Mss, NAF 16376, f. 235-236
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « velour »