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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mai 1862

Guernesey, 21 mai 1862, mercredi, 7 h. ¾ du m[atin]

Bonjour, mon plus que bien-aimé, bonjour avec tout ce que j’ai de plus tendre, de plus doux et de meilleur en moi, bonjour. J’espère que la pensée d’être délivré de l’enfantement laborieux de ton formidable livre a dû te bercer agréablement pendant ton sommeil et je m’attends à te trouver ce matin heureux et bien portant autant que tu es aimé et béni par moi. En attendant que tu viennes baigner tes chers yeux adorés, je lis et je relis ta chère petite lettre, puis je la baise et je la rebaise comme une personne [1]. Ma joie et mon bonheur étaient si grands hier qu’il me semblait que j’étais phosphorescente et qu’on devait s’apercevoir de mon flamboiement intérieur. Aussi je faisais tous mes efforts pour mettre mon amour sous le boisseau sans pouvoir y parvenir et je sentais que tous mes efforts n’aboutissaient qu’à rendre plus visible mon rayonnement intérieur. Ce que voyant, j’ai pris le parti d’être la plus heureuse des femmes devant Dieu et devant les hommes sans pruderie officielle et sans aucune fausse modestie ni contrainte. Je suis sûre que tu ne m’en veux pas et je sens que ma chère petite lettre m’approuve. Je te souris, je te bénis, je t’adore.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 130
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa

Notes

[1Hugo a écrit cette lettre au crayon, la veille, depuis Fermain-bay : « […] Voici toute la nature qui se fait belle ; la terre est comme une grande fleur verte, la mer est comme une grande fleur bleue, le firmament plein de soleil est comme une grande fleur d’or ; un immense souhait de bonheur se dégage de tout ; c’est à toi que je l’envoie. […] Tout à l’heure, venu ici pour travailler, je ne faisais qu’aimer ; je me tournais vers toi, et mon âme ne voulait pas se détacher de ton âme. Alors je lui ai dit : Fais comme tu voudras. J’ai pris mon crayon, j’ai détaché le dos d’une lettre de je ne sais quel brave anglais, et je me suis mis à t’écrire. Ceci sera ton bouquet de fête. Je t’aime. Il y a là tout près de moi au bout d’une branche un joli petit rouge-gorge qui me regarde écrire et qui m’approuve. Oh oui ! tu es vraiment mas bien-aimée. » (édition citée de Jean Gaudon, p. 231).

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