Jersey, 1er mars 1855, jeudi après-midi, 2 h.
Je t’aime, et je ne veux pas être malade ; voilà l’état de mon cœur et la résolution bien arrêtée prise par moi en vue de la bonne petite soirée de demain. Barbier qui passait ce matin au bout de ma rue et que Suzanne a rattrapéb au vol accepte des pieds, des mains et de la gueule, mon bouilli. Ce que voyant, j’ai fait demander au père du Heaume [1] s’il pourrait me prêter une plus grande table, ce qu’il fera avec empressement. Je me suis cruec d’après cela autoriséed à inviter les Asplet [2] car il n’en coûtera PAS plus et je serai en avance de courtoisie avec eux. J’espère que tu ne me blâmeras pas de n’avoir pas attendu ton bon conseil pour ce surcroît de convives mais le temps me pressait comme tu vois. Tout à l’heure, j’ai vu le CITOYEN Durand il m’a reparlé due discours [3] et des appréciations de plus en plus enthousiastes qu’il excite dans toute la proscription. AMIEL [4] en particulier se répand en admiration et en vénération sur toi. Il avoue qu’il a fait un mauvais speechf et se propose de réparer sa faute dans L’Homme le plus tôt possible par des articles faits entièrement dans tes idées. Nous verrons jusqu’où ira la sincérité de ses nouvelles convictions et de son amour pour toi. En attendant et pour faire nique à cette nouvelle concurrence d’amour, je vous adore depuis les pieds jusqu’à la tête.
Juliette
BNF, Mss, NAF 16376, f. 92-93
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) Juliette note vendredi, mais elle s’est trompée de jour : le 1er mars est un jeudi.
b) « rattrapé ».
c) « cru ».
d) « autorisé ».
e) « de le ».
f) « speach ».