Paris, 12 mars 1882, dimanche matin, 10 h.
Pas plus que toi, mon grand petit homme, je n’ai bien dormi cette nuit ; mais j’espère que, contrairement à moi, tu emploies ta matinée à te reposer tranquillement au lieu de souffrir comme une bête comme je le fais depuis que je suis levée. J’ai beau prendre mon courage à deux mains je ne peux pas parvenir à remonter sur cette bête. Je te demande pardon, même, de t’en entretenir si souvent mais il n’est pas toujours facile, quand on souffre, de montrer de la gaîté et de la liberté d’esprit. Cette faculté n’est donnée qu’aux stoïques comme toi ; je t’admire et je t’envie. Autre guitare, le citoyen Lullier t’écrit pour te prier de donner le baptême au journal Le Patriote dont il est le rédacteur en chef et le directeur politique qui doit paraître dans trois jours, le 15 mars. Je ne vois pas trop comment tu pourras lui accorder ce qu’il te demande et encore moins comment tu pourras le lui refuser, sa nature brise-raison étant donnée [1] et sa situation politique plus que compromise. Mais ce sont là des choses qui ne me regardent pas et que je comprends à peine. Ce que je sais bien, par exemple, c’est que je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 23
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette