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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 juin 1879

Paris, 21 juin [18]79, samedi matin, 10 h.

Mon cher bien-aimé, je me tourne vers toi dans la tristesse comme dans la joie car tu es pour moi tout à la fois le rayon et l’ombre de mon âme. Aujourd’hui, encore, je viens te prier de m’aider à supporter le douloureux anniversaire de ma pauvre petite Claire [1] avec de bonnes et saintes paroles qui me consolent dans le passé et me rassurent pour l’avenir. J’ai été si cruellement éprouvée depuis cette noire date, 21 juin 1846, que mon cœur ne sait plus à qui se fier. Je suis profondément découragée car je doute de Dieu et de toi. Je suis triste, triste, triste. Mariette m’a dit que tu avais encore passé une mauvaise nuit, ce qui s’ajoute à l’importune nouvelle que j’ai à te donner de Mlle Eugénie Guinault qui t’a écrit hier pour te dire qu’elle a perdu son père… Elle demande à te voir… Cette dame a le cynisme persistant. Il est vrai que tu l’as tout osculée (oscula) [2] des pieds à la tête et de la tête aux pieds qu’elle se croit tout permis en tout temps, en tout lieu, à toutea heure, partout et toujours. Au reste la distance de Lockroy à toi et de toi à Lockroy n’est pas infranchissable et le voisinage a des avantages dont vous pouvez profiter en commun tous les trois.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 158
Transcription de Chantal Brière

a) « tout ».

Notes

[1Claire Pradier, la fille de Juliette, est morte le 21 juin 1846 à l’âge de vingt ans. Hugo lui écrit pour la consoler, ce même jour : « Je ne sais si tu penses que je t’écrirai, mais je t’écris, ma bien-aimée. Je crois que tu me le pardonneras. / Je te sens triste, comme accablée du souvenir du 21 juin 1846. Je te donne mon cœur, prends-le. Fais-toi de la joie avec mon amour, pense à moi, vivons l’un dans l’autre. La vie future nous rendra nos anges, gardons nos âmes dans la vie actuelle. / Je t’embrasse, je t’aime, je t’adore, je suis à toi, en toi, avec toi, pour toi. Je t’adore. » (Lettre éditée par Jean Gaudon, CFL, t. XV-XVI, p. 609.

[2Jeu sur l’étymologie latine : osculum : petite bouche, baiser ; osculare : baiser.

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