Guernesey, 30 novembre 1858, mardi, 8 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon bon petit homme, bonjour et beau jour avec le rayon de soleil qui entre dans ton lucoot en ce moment-ci. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que je te verrai ce matin ? [1] En attendant, je suis bien heureuse du cadeau que tu m’as refait hier de ton écharpe de représentant qui me rappelle de si doux et de si terribles souvenirs. Du reste, je ne m’en considère plutôt comme fidèle dépositaire que comme propriétaire absolue et je te promets que cette relique précieuse rentrera dans ta famille à ma mort. Jusque-là, je la garde dans mon saint des saints avec tout ce qui me vient de toi et je t’adore.
C’est aujourd’hui que je dois prendre possession de ma fameuse table [2] ; mais tu m’as inspiré une certaine défiance sur tous ces pauvres bibelots vendéens de sorte que mon impatience est fort réfrigérée à son endroit. C’est du reste la meilleure disposition d’esprit pour recevoir une inconnue quelconque. Peut-être mes espérances dépasseront-elles mes craintes et aurai-je une entière et agréable surprise. Tout cela n’est pas bien clair sur mon papier mais je me comprends et je sais que j’ai une peur de chien d’avoir une affreuse vieille table et que je serai très contente si elle est très belle. Dans tous les cas, je t’en remercie et je t’aime.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 333
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette