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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juin 1836

3 juin [1836], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, cher bien-aimé, il y a trop longtemps que je ne t’ai vu. J’ai bien besoin d’espérer que tu viendras très tôt pour ne pas t’écrire des tristesses sans fin.
Claire est retournée à sa pension ce matin de très bonne heure. J’ai très peu dormi cette nuit à cause d’un rhume excessif qu’elle avait et qui la faisait tousser de minute en minute. Au reste, je ne m’en plains pas, ça m’a permis de passer le temps que j’aurais mis à dormir à t’aimer.
Après l’absence de mon cher bien-aimé, j’espère son retour prochain. Après la pluie d’hier vient le beau temps aujourd’hui mais après le mal de tête vient le mal de tête. Je n’en peux plus, vraiment je crois que j’aimerais mieux une véritable indisposition dont je serais soulagée en quelques jours que cet affreux mal de tête qui m’assomme et m’agace depuis si longtemps.
Je vous aime, mon Toto. Je t’aime, mon Victor, que je sois seule et triste, que je sois avec toi gaie et heureuse, que je sois souffrante, que je sois bien portante, je t’aime, toujours je t’aime. Oui tu es le sang de mes veines, le battement de mon cœur, la lumière de mes yeux, l’air de ma poitrine, la joie de mon âme.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 120-121
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette


3 juin [1836], vendredi soir, 7 h.

Sept heures, mon cher bien-aimé, et tu n’es pas venu, et je ne t’ai pas vu depuis hier. Je ne sais même pas si je te verrai ce soir. J’ai le cœur rempli de tristesse et mes yeux sont remplis de larmes que je ne pourrai pas longtemps retenir. Quoique je sache que tu travailles, je ne peux pas m’empêcher d’être inquiète d’une si longue absence. Je crains qu’il ne te soit arrivé quelque chose, à toi ou aux tiens. Mon Dieu, dans des jours comme ceux-ci un peu moins d’amour serait à désirer, car plus on aime, plus on souffre et je sais que je souffre trop.
Il fait un si vilain temps que j’espère que tu n’as pas erré dans les rues hier ni aujourd’hui. D’un autre côté je redoute ton séjour À LA MAISON. Je suis dévorée d’inquiétude et de jalousie. Si je ne te voyais pas aujourd’hui je ne sais pas comment je supporterais cela. Je t’aime trop, mon Victor adoré, tu vois bien que je t’aime trop. Tu devrais désirer que je t’aime moins si tu m’aimes.
J’ai beaucoup travaillé pour tâcher d’attendre plus patiemment ton retour mais cela n’a servi à rien, je suis aussi impatientea et aussi tourmentée que s’il y avait huit jours que je ne t’aie vu. Je t’aime.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 122-123
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « impatatiente ».

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