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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1833 > BnF, Mss, NAF 16322, f. 88-89

Tu vois, mon Victor, que j’ai raison quand je dis que j’attire le chagrin et les contrariétésa sur nos réunions, chaque fois que je manifeste le désir de les voir plus rapprochéesb et plus longues ainsi pour moi – Reviens vite – Je t’attends de bonne heure est le synonymec de je ne te verrai plus de ce soir, ou je te verrai trop peu de temps pour être heureuse – On est pas plus malencontreuse que moi – Et surtout si facile à s’en chagrinerd – Ainsi quoique tu m’aies dit que ce ne serait jamais par ta faute que je ne te verrais pas – quoique je sachee, qu’il y a des devoirs que ta position t’imposef, quoique j’espère une lettre ravissante de toi pour demain matin – je sais bien que tout cela c’est bien peu de choses pour compenser la perte d’un moment passé près de toi – et puis je m’inquiète, je crains qu’il ne te soit arrivé quelque chose, à toi, ou, aux tiens – Je pense aussi que la crainte de me trouver triste et injuste t’empêche de venir, quand bien même tu le pourrais – Toutes ces idées me font mourir – et je te trouve bien injuste à ton tour de ne pas comprendre mes tristesses et mes jalouses humeurs –
Un beau matin tu ne me retrouveras plus – Tu verras par la suite si tu trouveras un amour aussi bon et entier que l’était le mien –
Pardonne-moi – ce n’est pas une menace que je te fais – Je sens bien que tu ne m’aimes plus comme autrefois – À quoi bon prolonger cette agonie – Quand l’amour est malade – tu conseilles le suicide – En m’éloignant de toi je t’obéirai, je ferai ce que tu veux – Mon Dieu, je suis bien malheureuse ce soir – et pourtant je ne t’ai jamais plus aimé – Oh ! si je pouvais avoir une lettre de toi demain matin – peut-être que j’oublierais toutes mes souffrances et que j’aurais un visage rayonnant quand tu viendras t’asseoir sur mon lit – Si tu m’aimes comme je t’aime, tu dois sentir le besoin de me consoler – Tu dois comprendre que ce qui se passe dans ma pauvre tête à présent – c’est de l’amour, de l’amour malheureux – mais enfin c’est de l’amour –
Mon Victor, je t’embrasse avec mon âme seulement, pour ne pas te réveiller –
Dors bien – pour me reposer – Je t’aime.

Juliette

Vendredi, 2 h. du matin

BnF, Mss, NAF 16322, f. 88-89
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « contrariétées ».
b) « raprochées ».
c) « synonyme ».
d) « chagriné ».
e) « saches ».
f) « imposent ».

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