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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1845

4 mars 1845, mardi midi

C’est vraiment un affreux guignon qui me poursuit. Te voir si peu et ne pouvoir pas profiter des pauvres petites minutes que tu m’apportes, c’est pour en devenir enragée. Tout cela m’afflige profondément, mon amour, et me rend le caractère de plume plus irritable. Je suis très triste dans ce moment-ci et si je me laissais aller, je pleurerais à chaudes larmes. Mais toi, mon pauvre ange, comment vas-tu ? Tes pauvres yeux étaient bien fatigués tout à l’heure. Tu auras veillé trop tard, j’en suis sûre, et pourtant tu aurais bien besoin de te reposer après l’affreux travail auquel tu t’es livré pendant plus de deux mois [1]. Cela a quelque chose de poignant de savoir que tu ne peux prendre aucun repos. Pour ma part, j’en ai le cœur navré. Mon cher ange bien aimé, mon Victor adoré, puisque ton beau-père va mieux, est-ce que tu ne pourrais pas le laisser un peu plus tôt ce soir ? Je comprends que tu lui donnesa tous tes soirs quand il en a besoin et que tu y passes les nuits quand son état est inquiétant. Mais dès qu’il va mieux, je comprends aussi que tu songes à toi et à celle qui t’aime et qui met toute sa joie et toute sa vie à te voir une heure par jour. Mon Victor bien aimé, je t’attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 147-148
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu lui donne ».


4 mars 1845, mardi soir, 5 h. ½

Cher bien-aimé adoré, mon culte, mon Dieu, mon tout, ma vie, ma joie, mon âme, je t’attends. J’ai oublié de te dire que j’avais une lettre de Mme Luthereau à la maison depuis hier quand tu es venu. Pour peu qu’elle contienne quelque chose de presséa, ce retard se trouvera comme mari en calèche [2]. Cependant je ne l’ouvrirai pas sans que tu sois là. Du reste, ma journée s’est passée en visites : Mme Sauvageot, le marchand de raisin, la mère Lanvin et Mlle Féau qui m’a enfin apporté son fameux verre à anse  ; cette pauvre femme fait tout ce qu’elle peut pour m’être agréable mais elle n’est pas heureuse en choix. Il est impossible de trouver un rococo plus bête et plus insignifiant que ce petit gobelet Louis XVI. Mais c’est égal, c’est un verre et il a une anse. Avec cela je suis capable de l’aimer sinon de le trouver beau. Et puis cette pauvre demoiselle, je lui sais gré de ses efforts.
À propos, cher adoré, je voulais te dire depuis samedi, mais je te vois si peu, que je te donnais les tapisseries de Mme Luthereau sans condition. Si cela peut t’aider à avoir un peu d’argent et à diminuer un peu tes veilles, je suis toute prête à te les donner ainsi que les guipures ; avant tout, mon bien-aimé, ton repos et ta santé. Ainsi tu peux les considérer comme à toi. Voilà ce que je veux te dire depuis samedi mais tu sais si je t’ai vu depuis ce temps-là : hélas ! pas un quart d’heure en tout. Aussi j’en suis réduite à t’écrire les choses les plus simples comme les plus essentielles : je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 149-150
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « pressée ».

Notes

[1En janvier et février 1845, Victor Hugo a rédigé deux discours successifs pour la réception à l’Académie française de Saint-Marc Girardin, le 16 janvier, et celle de Sainte-Beuve le 27 février.

[2À élucider.

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