Guernesey, 22 juin 1858, mardi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour de tout mon cœur et de toute mon âme avant que la fatigue de la journée ne s’empare de moi et ne m’envahisse tout entière comme elle le fait depuis quelque temps. J’espère que tu as passé une bonne nuit, mon cher petit homme ? On n’a pas le droit de mal dormir quand on s’est coiffé en guise de bonnet de coton, de deux splendides pots, pas bêtes du tout. Quant à moi, qui n’avais pas ces pots DANUM [1] sur la tête ni ailleurs, je n’en ai pas moins très bien dormi par contentement sympathique probablement. Je compte sur cette bonne nuit pour me faire une journée supportable aujourd’hui. Nous verrons si j’en viens à bout. En attendant, je te fais souvenir d’une bonne promesse que tu m’as faite, de me donner une bonne journée d’air de soleil, d’amour et de bonheur. Ce sera la première de cette année donc, je n’en abuse pas, mon cher adoré, mais je sens que j’ai besoin de ce réconfortant et je te demande de me le donner le plus tôt que tu pourras sans te gêner. C’est aujourd’hui que ton jeune hôte, M. Bellier, s’en va je crois ? Son départ va coïncider avec celui de ton fils [2] ce qui va faire un vide dans ta maison. Heureusement que l’attente de Victor [3] ne sera pas longue et quant aux commensaux vous n’en manquez pas de change et de rechange [4], ce qui fait que je ne vous plains pas trop et que je t’aime de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 132
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette