Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Avril > 22

22 avril [1846], mercredi matin, 10 h. 

Bonjour, mon doux aimé, bonjour mon bon petit homme chéri, bonjour mon amour, bonjour je t’aime. Je pense à toi avec une indicible tendresse. Il me semble que tout mon être se fait âme pour t’aimer davantage. Je viens de faire toutes les cérémonies du malade imaginaire à ma péronnelle [1]. Je la trouve assez bien quoique ce ne soit pas un mieux très sensible. Nous verrons ce que M. Triger en dira aujourd’hui. Je voudrais qu’elle pût manger car il me semble que ce ne sont que les forces qui lui manquent pour aller tout à fait bien. Comme je te le disais hier, mon adoré bien-aimé, j’ai hâte de rentrer dans ma vie tranquille et solitaire où je peux t’aimer à mon aise et te le dire quand je veux. Aujourd’hui je n’ai pas voulu me laisser devancer par la mère Luthereau. Je t’écris tout de suite toute chose cessante. Après toi, après mon amour, viendronta les affaires et les ennuyeuxb et je leur donnerai de mon temps s’il en reste. Cher bien-aimé, mon Victor chéri, mon amour adoré, je te souris, je t’aime, je te porte, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 401-402
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « viendra ».
b) « ennuieux ».


22 avril [1846], mercredi soir, 10 h. 

C’est toujours la même chose, mon bien-aimé, et j’ai pour consolation la perspective que cet état durera longtemps encore. Elle va mieux ce soir, à ce qu’elle dit, mais je n’ose pas y croire parce que voilà trop de fois que j’y suis attrapée. Je viens de lui donner de ce fameux sirop. S’il peut calmer sa toux la nuit, je serai bien heureuse et je reprendrai courage. Tantôt je pleurais sans pouvoir me retenir. J’étais obligée de trouver mille prétextes pour expliquer l’état de mes yeux et de ma figure. Je crois que je suis venue à bout de dissimuler assez bien le véritable motif de mes yeux bouffis et de mes joues rouges. Mais quel supplice, heureusement que l’indisposition que j’avais dans la journée s’est calmée ce soir. Aussi je suis plus tranquille et si tu étais auprès de moi je sens que j’oublierais toutes mes angoisses pour ne songer qu’au bonheur de te voir. J’ai un besoin inextinguible de toi ; je sens que mon âme et mes yeux ont soif de te voir. Je sens que tu es plus que jamais mon bien-aimé adoré, ma joie et ma vie. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je t’attends, je t’attends, je t’attends. Hâte-toi de venir mon Victor bien aimé, je te désire de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 403-404
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La tuberculose de Claire, dont les premiers symptômes sont apparus fin mars, et qui l’emportera en juin, n’a pas encore été diagnostiquée.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne