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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er mai 1848

1er mai [1848], lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon vieux avare, bonjour. Je n’irai plus aux lieux avec vous et vous n’aurez pas mon héritage. Bonjour qu’on vous dit, dormez. Il fait un temps exquis. Je regrette que nous [ne] puissions pas faire cette course ensemble. Maintenant rien n’est plus rare que de vous avoir à mon bras, ou que je sois au vôtre si votre dignité préfère cette rédaction. En attendant, je me suis levée de bonne heure pour être prête à onze heures. Tâchez de votre côté d’être aussi exact que moi et de vous trouver chez moi à 2 heures. J’en doute très fort car je sais combien vous êtes peu empressé de chercher mon aimable compagnie. Toutes les mules Blanche du monde et de la rue Saint-Louis ont le pas sur moi, sans compter la mairie, Chaumontel, le carabinier de Charles, et ABEL [1] !!! J’avoue encore que ce dernier les ÉCRASE tous et que j’en suis moi-même aplatiea. Toutes ces choses seraient drôles si vous m’aimiez et si vous m’étiez fidèle et si vous viviez avec moi jour et nuit. Mais à distance et avec la presque certitude que vous me faites des traits et que vous ne pouvez plus me sentir. C’est plus que triste, c’est lugubre.

Juliette

MVHP, MS a8076
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « applatie ».


1er mai [1848], lundi matin, 10 h. ½

Je ne veux pas partir avant de t’avoir dit un doux adieu. C’est une idée que j’ai comme cela et rien ne m’est plus désagréable que d’y manquer quand je ne peux pas faire autrement. Je pense bien être revenue à l’heure et même beaucoup plus tôt si je ne trouve pas M. le curé chez lui. Mon Victor bien-aimé, mon amour béni, je m’approche de toi le plus que je peux pour ne pas laisser prise aux tristes souvenirs qui se rattachent à cette époque. Je voudrais m’envelopper de ton amour comme d’une cuirasse afin de préserver mon âme de toutes les cruelles émotions que je retrouve dans ma mémoire une à une comme si mon malheur était d’hier. Je voudrais ne penser qu’à toi, ou plutôt je voudrais faire de ton amour le baumea de mon cœur. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
J’espère que ce qu’on m’a dit pour ce pauvre curé n’a pas de fondement et qu’il y a confusion de nom et de lieu ou au moins beaucoup d’exagération. Je le désire parce qu’il est vraiment très digne et très bon et pour la reconnaissance particulière que je lui dois. Je saurai cela tout à l’heure. D’ici là, je mets ma pensée, mon cœur, mon âme sous la protection de ton amour.

Juliette

MVH, 8077
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « beaume ».

Notes

[1Allusion vraisemblable à Abel, à élucider.

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