Paris, 13 mai [18]78, lundi, 10 h. du m[atin]
Je ne sais pas si tu m’aimes mais je t’adore de confiance à mes risques et périls. Je demande à Dieu de te délivrer de moi le jour où tu m’aimeras moins et je crois sentir qu’il m’exauce tous les jours un peu. Je le laisse faire et je le bénis. Maintenant que les jours sont très longs je te prierai de me conduire au cimetière Saint-Mandé [1]. Il y a bien longtemps que je désire y aller ; cette fois il s’y ajoute la nécessité de payer l’annuité de l’entretien de ma chère tombe. Peut-être pourrions-nous, si le temps le permet, y aller aujourd’hui. C’est ce que tu décideras tantôt. En attendant je te signale la lettre d’une prétendue cousine à toi qui te prie d’user de ton influence pour lui faire avoir un bureau de tabac. Tu apprécieras les droits qu’elle a [à] cette faveur et ceux qu’elle réclame à l’honneur de ta parenté. Le reste du courrier comme à l’ordinaire. Les journaux manquent presque tous ce matin sans prétexte connu. Enfin, mon grand trop aimé, moi je rabâche mon éternel et sempiternel amour pour que tu n’en perdes pas l’habitude.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 125
Transcription de Chantal Brière