2 mai 1878

3 mai 1878

Paris, 2 mai [18]78, jeudi soir, 7 h.

J’ai attendu jusqu’à présent, mon grand petit homme, que je fusse assez bien pour te sourire sans grimace et pour t’aimer sans geindre comme je le fais trop souvent à mon cœur défendant. Je crois que j’y suis parvenue. Combien de temps cela durera-t-il ? Chi lo sa [1] ? En attendant j’en profite pour te donner ce que j’ai de meilleur en moi : mon amour. J’ai serré pieusement avec mes autres reliques la carte d’invitation pour l’exposition [2]. La note que tu y as ajoutée en fait un bien précieux et bien curieux autographe ; aussi, je te répète, je l’ai serré avec un soin tout particulier. Cela me fait penser à Saint-Victor et à sa scie. Vrai tu devrais lui faire son dessin puisque tu le lui as promis depuis si longtemps et qu’il sera si heureux d’avoir. Je te le dis avec le désir que tu le fasses et je t’en remercie d’avance presque autant^a que si c’était pour moi. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF, 16399, f. 118
Transcription de Chantal Brière

a) « presqu’autant ».

Notes

[1] Expression italienne : qui le sait ?

[2] Juliette et Hugo ont été invités la veille à la cérémonie d’ouverture de l’Exposition universelle. Sur le carton, Hugo a écrit : « Il pleuvait le 30 avril, à verse ; j’étais sur l’impériale d’un omnibus, j’avais cette carte dans ma poche ; je ne reconnais à personne le droit d’inviter les représentants du peuple à une fête qui est la fête du peuple ; ils y sont de droit ; ne sachant que faire de cette carte, je me suis assis dessus, elle m’a isolé du banc mouillé, et je déclare qu’elle m’a rendu service et qu’elle a ainsi prouvé qu’elle était bonne à quelque chose, et puisque vous le voulez, madame, je signe. / Victor Hugo. » (Jean Gaudon, édition citée, p. 312.)