Paris, 5 mars [18]78, mardi-gras, 6 h. du soir
Sais-tu, mon cher grand bien-aimé, que c’est encore notre anniversaire aujourd’hui, il y a trois semaines, par la date, aujourd’hui par le jour [1] ? Aussi je retrouve en mon âme le souvenir de tous les Gloria in excelsis Deo de ce jour béni entre tous depuis le premier jusqu’au quarante-cinquième. Je prie Dieu de nous en accorder encore beaucoup d’autres pour la gloire de la France et pour mon bonheur particulier.
J’espérais que tu aurais quelques jours de répit après le grand labeur dont tu sors mais, hélas ! je vois qu’il n’en esta rien et que tu travailles autant, sinonb plus, que ces jours derniers. Pour la peine je veux vous donner une petite fête et j’envoie pour cela commander six carafesc frappées que nous boirons gaillardement à notre second anniversaire dont personne, exceptéd nous, ne se doute. Je te ferai penser à parler à Frédérix de son article sur la reprise d’Hernani qui est un de ses plus réussis [2]. Quant aux lettres et aux journaux je crois qu’il n’en est jamais tant venue que ce soir. Je ne sais pas comment tu feras pour en lire seulement quelques-uns demain. Quant à moi, j’y renonce quant à présent et je te préviens que selon ma stupide habitude, j’ai fait mettre à la poste ce matin ton nouveau billet doux à la citoyenne Retoux, suis-je assez bête, hein ? et dire que je vous aime malgré [ça ?] !!!
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 63
Transcription de Chantal Brière
a) « n’est ».
b) « si non ».
c) « caraffes ».
d) « exceptés ».
e) « venus ».