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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 août [1847], lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon doux amour, bonjour, comment va ton Toto ? C’est à travers sa chère santé que je demande des nouvelles de la tienne car dans ce moment-ci elle est tout à fait sous l’influence de la sienne. Et dire qu’il faut que j’attende peut-être jusqu’à cinq ou six heures du soir pour savoir comment ce cher enfant a passé la nuit, c’est pour en mourir d’impatience. Je n’ai pas vu Joséphine hier et je sais que son temps est tellement compté qu’on ne peut la déranger sans la gêner beaucoup. Cependant si mon inquiétude augmente je n’y tiendrai pas et je l’enverrai chez toi tantôt. Malheureusement j’ai oublié de te demander le nom du pair qui lui sert de passe-partout. Du reste il est probable qu’on ne songera pas à le lui demander. Je voudrais être plus vieille de dix jours pour que la première phase de cette maladie fût passée, parce quea déjà on peut augurer quelle sera l’issue de la maladie puisque la convalescence commence. Ainsi pour Charles, il n’a été véritablement que onze jours malade. C’est beaucoup trop mais enfin vous avez été rassuré entièrement sur sa vie après cette première période. Pardon, mon pauvre adoré bien-aimé, de ne te parler que de cette chose triste au lieu de faire diversion à ta douloureuse préoccupationb. À force de t’aimer j’en suis quelquefois féroce, mais c’est bien malgré moi je t’assure, car je voudrais pouvoir au prix de tout mon sang t’épargner un petit chagrin.

Juliette

MVH, α 7971
Transcription de Nicole Savy

a) Le « que » est oublié.
b) « préocupation ».


30 août [1847], lundi, midi ½

Si je n’avais pas l’espoir que tu viennes en allant à la Chambre, j’aurais déjà envoyé Joséphine savoir comment notre pauvre cher enfant allait. Si tu ne peux pas venir, et je le verrai bien par l’heure à laquelle tu dois être à la Chambre, j’enverrai Joséphine et je pense que cela ne te contrarie pas. Mais j’aimerais cent mille fois mieux que tu viennes me donner toi-même des nouvelles de ton cher enfant et en même temps baigner tes pauvres yeux adorés. Depuis ce matin, je fais des vœux et des prières pour cela et surtout pour que ton Toto aille bien, aussi bien que peut le permettre cette vilaine maladie. Je ne sais pas te dire autre chose parce qu’il m’est impossible de détacher ma pensée de ce triste événement. Je sens que je devrais au contraire t’en distraire, et malgré tous mes efforts pour sortir de ce douloureux sujet j’y reviens sans cesse.
Mon Victor je t’aime, je le sens plus encore quand tu souffres parce que je sens mon âme et ma vie se précipiter entre le malheur et toi pour te faire un bouclier et empêcher qu’il n’arrive jusqu’à toi. Je te dis mal cela mais je le sens bien profondément. Je t’aime comme on aime un frère, un enfant et un amant, tout cela passionnément.

Juliette

MVH, α 7972
Transcription de Nicole Savy

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