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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 octobre [1838], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour mon petit homme chéri, bonjour mon cher petit homme. Je t’écris à une heure bien inouïe, mais ma pendule déraisonne au moins de deux heures et tu sais à quelle heure je me suis couchée cette nuit ? Je t’aime mon Toto. Je t’aime de toute mon âme. Tes conseils et tes critiques d’hier me sont restés dans l’esprit, non pas comme une chose triste et désillusoire, mais comme une chose tendre et pleine de sollicitude. Je ferai tous mes efforts pour me défaire des défauts et des ridicules que tu as remarqués en moi. Si j’y parviens j’en serai deux fois heureuse puisque j’aurai ôté de moi tout ce qui te déplaît. J’ai ton petit travail de lettres à faire tout à l’heure, je vais auparavant déjeuner, bien seule et bien tristement, notre bonheur ici tous les matins étant fini ou au moins suspendu jusqu’à l’année prochaine. Quel affreux temps il fait ! Je suppose que tu n’es pas allé à la répétition [1] car j’ai ici ton parapluie et c’était une occasion pour embrasser ta pauvre Juju et lui redonner du courage et de la résignation dont elle a grand besoin. Bonjour mon petit homme, bonjour mon petit adoré. Bonjour, bonjour, je t’aime, je te désire, je t’attends. Pense à moi, plains-moi et aime-moi. La journée va me paraître bien longue et bien triste, et toutes celles qui suivront. Je n’ose pas y penser, j’ai le cœur serré et les yeux pleins de larmes.
Je t’aime trop mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 55-56
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


17 octobre [1838], mercredi soir, 7 h. ¼

Je compte sur ta bonne promesse, mon adoré, et je dînerai très peu pour pouvoir chicoter un petit morceau avec toi ce soir. Je voudrais cependant bien assister à un petit bout de répétition [2]. J’en ai une envie qui tient de la rage, et si ce n’était la crainte de te contrarier je me la serais déjà passée. D’un autre côté je ne suis jamais sûre de l’heure. C’est un abus du reste que je ne devrais pas permettre, car enfin si tu es jaloux je suis jalouse, et ce que je fais pour toi, tu devrais le faire pour moi. Il faudra que nous vidions ce panier-là à la première entrevue.
J’ai fait allumer du feu dans ma cabane, l’humidité est encore plus insupportable que la gelée, c’est hideux. J’ai le froid passé dans la moelle des os, je grelotte comme un chien de chasse. Je suis décidément bien ganache et bien vieille : mais au cœur on n’a jamais de rides, c’est ce qui fait que je vous aime passionnément comme une jeune et jolie fille que je pourrais être et que je devrais être. Allons voici ma servante qui ne sait pas arranger mon feu. Que le diable l’emporte, il faut que j’y veille moi-même. Je reprends ma lettre où je l’ai laissée, avec cette différence que j’ai arrangé mon feu, que je vous ai vu et que je suis très contente parce que vous m’avez promis de revenir bientôt.
Soir mon petit O. Aimez-moi puisque je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 57-58
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Ruy Blas est en répétition au Théâtre de la Renaissance.

[2Ruy Blas est en répétition au Théâtre de la Renaissance. La première aura lieu le 8 novembre.

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