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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 août [1838], jeudi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour toi le bien-aimé de mon cœur. Avez-vous encore besoin d’un secrétaire ? Je suis prête, venez, c’est si gentil de remuer toute votre admirable poésie avec le bec de ma plume et de voir briller et scintiller toutes ces pierres précieuses qui prennent la forme de tes pensées. Dédé ne serait pas plus heureuse ni plus éblouie que je le suis si on lui donnait pour joujoux, pendant une heure, les diamants et les écrins de la couronne d’Angleterre. Oh ! que j’aurais volontiers passé la nuit avec MON CÉSAR et ses dignes compagnons [1] ! Je l’aurais suivia sans fatigue partout où il aurait voulu aller, même chez la charmante au bonnet de six sous [2], mais vous n’avez pas voulu, vilain jaloux que vous êtes, vous avez craint la comparaison et vous AVEZ EU RAISON car j’aime les hommes BIEN NÉS. Jour mon To, jour mon petit o. J’ai décidément mal à l’œil gauche, il est enflé et douloureux. Si cela continue, je n’aurai pas longtemps à regretter de ne pouvoir les changer avec les tiens. Je t’aime, toi. Je t’adore, vous. Ne soyez pas trop longtemps sans venir. Je vous attends de toutes mes forces.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16335, f. 125-126
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « suivie ».


2 août [1838], jeudi soir, 5 h. ½

Il est déjà bien tard, mon pauvre petit homme, et je ne t’ai pas vu. Je suis triste, c’est pas ma faute. Je sais bien que tu travailles ou que tu es chez Mlle [Pigeaire ?] vu que tu reçois les comédiens et les comédiennes de tout âge et de tout emploi mais cela ne me console pas du chagrin de ne pas te voir. Hier, vieux rusé, vous me proposiez d’aller chez la mère Pierceau parce que vous saviez que cela ne se pouvait pas. Aujourd’hui que cela se pourrait, vous ne m’y menez pas. Oh ! Vous êtes un habile homme surtout quand vous n’avez pas affaire aux somnambules ! Je voudrais bien vous voir, mon petit homme, je voudrais bien entendre mon 4e acte dont j’ai déjà flairé quelques lignes cette nuit, ça sentait bien BONNE, je m’en lèche les barbes depuis ce temps-là [3]. Quel malheur qu’il faille attendre qu’il soit fini, ce beau 4e acte pour savoir ce qu’il contient. L’échantillon en est fameusement beau toujours. Je t’adore toi, tu es mon grand Toto bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 127-128
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain
[Guimbaud]

Notes

[1Don César et ses compagnons sont des personnages de Ruy Blas.

[2Allusion à un vers de Ruy Blas, que Hugo est en train d’écrire : don César, s’adressant au laquais à l’acte IV, parle en ces termes de son amante Lucinda :
« […] En haut loge une belle
Facile à reconnaître, un bonnet de six sous
Avec de gros cheveux ébouriffés dessous,
Un peu courte, un peu rousse... – Une femme charmante !
Sois très respectueux, mon cher, c’est mon amante.
Lucinda, qui jadis, blonde à l’œil indigo,
Chez le pape, le soir, dansait le fandango. »

[3La veille, Hugo a lu les trois premiers actes achevés de Ruy Blas à Juliette.

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