Jersey, 15 février 1854, mercredi après-midi, 4 h. ½
Je viens de voir le docteur Barbier, mon cher petit homme, il pense que je n’en mourrai pas encore cette fois-ci, ce dont je me doutais un peu, entre nous soit dit, il m’a commandé un bain pour demain et une remédecine pour vendredi. Après quoi il reviendra me voir un de ces jours tout en faisant sa consultation. Il m’a parlé de la fameuse lettre à Palmerston [1] et des différents effets qu’elle produisit sur tous ceux qui l’avaient lue, depuis les légitimistes bretons jusqu’aux républicains jersiais, en passant par toutes les nuances monarchiennes et démagogiques de tous les pays. Ce brave homme est placé par état au chevet de toutes les opinions et tâte le pouls à beaucoup de malades politiques. Aussi sa conversation n’est pas sans intérêt, surtout quand il s’agit de vous. Il résulte de celle que je viens d’avoir avec lui que tous les partis, sans exception, sont en ébullition, qui pour vous maudire, qui pour vous déifier. Tous sont enragés de fureur ou d’admiration, même les honnêtes et les modérés de profession. Quant à moi, je les surpasse tous, car je réunis à moi seule les deux antipodes : l’exécration et l’adoration. Je vous déteste comme l’univers… religieux et je vous aime comme trente millions de légions de diables (lisez de Jujus). Comment cea phénomène se produit-il ? C’est mon mystère le plus impénétrable que celui de tous les X connus et inconnus.
BnF, Mss, NAF 16375, f. 72-73
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière
a) « se ».