Guernesey, 7 décembre 1860, vendredi soir, 7 h. ½
Cher bien-aimé, il me semble que j’ai toujours une foule de choses nouvelles à t’apprendre et quand cela vient au fait et au prendre, je ne trouve que ce seul mot : je t’aime. Ma vie est faite toute entière de ce mot-là et je ne vois rien en-deça ni au-delà que : je t’aime. Mais l’amour est comme Dieu, dont il émane, il est présent partout, il est en tout, il est tout. Aussi, mon adoré, ne t’étonne pas et surtout ne t’ennuie pas de mon amour infini et immuable. Laisse-toi aimer par moi comme si nous n’étions plus déjà que deux âmes soudées et confondues ensembles pour l’éternité. Je sens que tous les mots humains traduisent mal la langue du ciel qui est celle que mon cœur parle de préférence à toutes les autres. Aussi ma plume s’arrête embarrassée ne sachant auquel entendre. Heureusement que le poteau indicateur : je t’aime est toujours là, ce qui lui permet de retrouver le fil de son discours et d’arriver sûrement à son but qui est de te baiser de la tête aux pieds et des pieds à la tête sans solution de continuité.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 314
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette